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Citations sur MK, Récit d'un déporté arménien (5)

Hé, enfant de mécréant. T'as vu? Tous les Arméniens de Turquie et tous les mécréants de Turquie ont été liquidés. Le village qui flambe est un village de gavur (Chrétiens) et ils sont tous en train de brûler". Ils disaient, pour me faire peur, qu'il ne restait plus de chrétiens en Turquie et moi, j'y croyais.(P. 59)
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J'ai aussi inventé une chanson sur ma vie, elle est en kurde. "Mayrik, Mayrik ! je suis sans toit, sans personne." Et elle commence comme ça :
Hé hé ! maman hé ! maman
Hé ! maman, je suis sans biens, sans personne

Oh ! maman
Je suis un adolescent de quatorze ans
Du chagrin helama karal*
Je suis sans toit, être sans personne c'est être livré à l'exil, maman
Oh ! maman, hé ! le gouffre, hé ! le gouffre
Je suis sans toit, sans personne, le gouffre

Oh ! maman
Oh ! maman
Quel malheur c'était, quel déluge
L'adolescent de quatorze-quinze ans est venu
Ma mère de vingt ou vingt-cinq ans, de trente ou trente-cinq ans
Hé ! maman hé ! maman
Hé ! maman

Oh ! maman j'étais le sel de ta nourriture
oh ! maman, j'étais le sel de ta nourriture

J'étais la lueur de tes yeux, maman
J'étais la blessure devant ton cœur, maman

Oh ! maman
Quel malheur c'était, quel déluge
Quel le foyer de la raison s'écroule, maman
A vrai dire, hé ! le chagrin, hé ! le chagrin
A vrai dire ce chagrin, hé ! le chagrin
Je suis chagriné, je suis sans toit, maman

Oh ! maman, hé ! maman, hé ! maman.

*Ces deux mots n'ont pas pu être compris
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[...] ... Par ailleurs, on apportait du pain à échanger contre des vêtements. Et nous, nous avions le châle noir de ma mère. Nous l'avons échangé contre un pain [= inutile de préciser que la valeur du châle était de vingt fois supérieur à celle du pain]. Nous sommes restés ici trois jours. Le matin du troisième jour, on nous a ordonné de nous tenir prêts à repartir.

Quant à ma mère et à tant d'autres, ils étaient dans un état si difficile qu'ils ne pouvaient plus marcher. Ma mère a dit à mon père : "Emmenez-moi au bord du fleuve. Je vais me jeter à l'eau. Parce que, si je reste, les arabes vont me tuer avec çarçiraka [= elle veut dire qu'elle sera torturée et violée]."

Mon père n'a pas voulu la prendre sur son dos pour l'emmener. Le père d'un copain de classe l'a portée et nous avons tous deux décidé de l'emmener. Nous avons appelé le der hayr [= prêtre]. Il a récité le Hagortutyun [= la communion], puis nous avons emmené ma mère au bord du fleuve Murat, à proximité.

J'ai tourné la tête, je n'ai pas voulu voir ma mère jetée à l'eau. Je me suis retourné ; elle se débattait dans l'eau et le fleuve commençait à l'engloutir ... ... [...]
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Manuel Kirkyacharian a accompli des choses à la fois ordinaires et exceptionnelles. Quant à ses mémoires, ils ne peuvent être qu'extraordinaires.
Car, si ses souvenirs vont parfois jusqu'à faire frémir, comme peuvent le faire les récits des victimes de la déportation, il ne les évoque jamais qu'avec un incroyable détachement, sans aucune animosité. Voilà, en six mots, ce que pourrait être dit de ses mémoires: "Beaucoup de souffrance, pas de rancune."
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[...] ... Les tchétchènes avaient fini de piller les déportés et nous avions repris notre route.

Nous étions dans la plaine d'arabie. Malgré les détours, où que nous allions, nous rencontrions le fleuve Murat. C'était un cours d'eau très large et peu profond. Une rivière qui coule, comme vous le savez. Et les tchétchènes ont crié : "Hé ! Les gavours [= les mécréants] ! Les gavours ! Vous allez traverser le fleuve. Allez ! De l'autre côté !"

C'était un ordre et nous avons commencé à traverser la rivière tout habillés. Nous étions encore petits alors, les grands nous tenaient pas la main. Autrement, à cause de notre poids trop léger d'enfants, le fleuve nous aurait emportés.

Enfin, les déportés ont traversés le fleuve et nous avons poursuivi notre route, les vêtements trempés ... Un nuage noir, très haut, se déplaçait dans le ciel. Nous nous serions cru en pleine nuit. L'orage et le vent tout contre nous. Il tombait des cordes. A l'avant et à l'arrière, les tchétchènes criaient :

- "He ! Les gavours ! Marchez donc ! Notre halte n'est pas loin."

Nous avons fini par y arriver. Certains étaient morts en route. Nous y avons passé la nuit.

Le matin, nous nous sommes levés et nous avons vu, à proximité, de grandes tentes noires arabes. Un hump [= groupe] d'arabes vivait là. Dans la matinée, on nous a donné un ordre, on allait rester là deux jours. Tout le monde devait se mettre à son aise et sécher. Nous nous sommes aperçus que les arabes avaient commencé à circuler entre nous avec les tcherkesses [= les tchétchènes] par groupes de deux ou trois. Les arabes regardaient les enfants, les garçons et les filles. Ils indiquaient aux tchétchènes ceux qu'ils repéraient : "Je veux adopter cet enfant," disaient-ils.

Et le tchétchène traduisait. Car les tchétchènes parlaient l'arabe, le tchétchène et le turc. Ils disaient à la mère ou au père de l'enfant ou à son propriétaire : "Cet enfant, donnez-le à cet arabe. De toutes façons, vous, les gavours, vous allez mourir !" Certains acceptaient, d'autres non.

Quand l'arabe prenait l'enfant, le tchétchène touchait une commission. ... [...]
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