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Critique de Nastie92


Quelle vie !
Ou plutôt, quelles vies !
Car ils sont deux et indissociables dans leur vie et dans leurs combats.
Une jeune Allemande et un Français juif, fils de déporté assassiné à Auschwitz.
Deux personnes qui n'étaient pas destinées à se rencontrer, encore moins à s'aimer.
Et pourtant, ils vont former un couple exceptionnel : deux êtres qui se complètent merveilleusement et vont accomplir des choses hors du commun.
Une magnifique synergie.
Serge : "Aucune autre femme ne m'aurait apporté ce que Beate m'a offert dans notre vie privée et dans notre vie publique. Ensemble nous sommes unis, forts et heureux ; l'un sans l'autre, nous n'aurions probablement pas produit grand-chose. Elle me doit beaucoup, et moi, je lui dois beaucoup plus encore..."
Beate : "Sans lui, sans son engagement total et discret à mes côtés, sans sa permanente énergie, qu'aurais-je pu faire ? Un autre homme aurait sans doute exigé de moi que je m'ampute de l'Allemagne ; Serge m'a aidée à vraiment devenir une Allemande."
Ils racontent leur vie dans cet épais volume.
Ils rédigent à deux. Deux voix qui s'unissent à merveille.
Tout commence par une rencontre, improbable, et narrée par l'un et l'autre d'une façon touchante. Beate en tant que jeune Allemande est révoltée de voir que d'anciens nazis sont tranquillement reconvertis dans la vie politique de la RFA ; certains ont même de très hautes fonctions, à commencer par le chancelier Kiesinger.
Elle milite, elle écrit des articles qui ne plaisent pas à tout le monde : elle dérange, on préférerait mettre un couvercle sur la marmite et oublier.
La procédure disciplinaire pour "infraction grave aux obligations des agents de l'Office" engagée contre Beate par L'Ofaj (Office franco-allemand pour la jeunesse) qui l'emploie, est l'élément déclencheur. Celui qui va changer la vie des époux Klarsfeld.
Comment réagir ? Il n'y a que deux alternatives : rentrer dans le rang et mener une petite vie rangée et paisible, ou poursuivre le combat.
Le couple choisit sans hésitation la seconde option.
Beate raconte : "Cet instant a été le tournant de notre vie. Notre décision est prise. Nous allons nous battre, et ce combat sera prioritaire. Nous avons décidé de tout sans une hésitation, presque sans un mot. Au même moment, pour chacun de nous, cela s'est imposé irrémédiablement. Nous nous battrons non pour nous donner bonne conscience, mais pour gagner, et nous savons que désormais notre combat sera un engagement total. La carrière de Serge, notre vie familiale, la sécurité matérielle passeront au second plan."
Serge et Beate Klarsfeld sont surtout connus pour avoir poursuivi sans relâche les anciens nazis dans le monde entier et en particulier en Amérique du Sud. On les surnomme les "chasseurs de nazis", mais cette traque acharnée qu'ils ont menée n'est pas leur seule activité, loin de là.
La lecture de leurs mémoires est passionnante de bout en bout. On découvre toutes leurs actions, et c'est vertigineux !
Ils ne comptent ni leur temps, ni leur argent. Ils prennent tous les risques.
Serge et Beate ont passé des jours et des nuits en prison dans différents pays, et dans des conditions matérielles quelquefois sordides. Ils ont été victimes d'un attentat, recevant à leur domicile un colis piégé.
Qu'importe, leur motivation est inébranlable, aucun obstacle, aucun danger ne les arrête.
Leur force ? Chacun la tire de l'autre.
Je suis admirative de ces vies consacrées à une si noble cause : la justice.
Parce que c'est bien de justice qu'il s'agit.
D'une part, faire en sorte que les anciens nazis soient retrouvés et jugés, comme ils le méritent.
D'autre part, rendre justice à chaque victime du nazisme, en faisant une oeuvre historique colossale. Un travail de fourmi. Répertorier chaque cas, et rassembler un maximum d'informations : où la personne vivait, quand elle a été arrêtée, où et quand elle est décédée.
Quoi de mieux pour faire échouer les nazis qui voulaient anéantir les Juifs en les rayant du monde ? Bien sûr, ça ne les ramène pas à la vie, mais ça leur redonne une existence.
Vladimir Jankélévitch a écrit à ce sujet : "Serge et Beate, mes amis, vous êtes les chevaliers de la bonne mémoire."
Ce qui force le respect, c'est que tout au long du livre, on ne ressent aucune haine, aucun désir de vengeance. Ce n'est pas ce qui motive le couple.
Ce qui motive Serge et Beate, c'est la volonté de faire ce qui leur semble juste. Leur récompense est le sentiment du devoir accompli.
Ils sont lucides et n'ont pas d'oeillères. Ils ne sont pas aveuglés par leur combat et restent objectifs.
La meilleure preuve de leur impartialité ? Ils sont souvent attaqués de tous côtés. Serge a même un moment été accusé par les milieux d'extrême gauche allemands d'être un agent de la CIA !
Ils ont l'honnêteté de reconnaître les bonnes actions de l'Église, que ce soit en France ou en Italie, le rôle du pape Pie XII et de la population catholique qui a caché, protégé et sauvé de nombreux Juifs, enfants ou adultes.

Voilà une lecture captivante à plus d'un titre.
Lire cet ouvrage, c'est faire une plongée saisissante dans l'Histoire. C'est entrer dans la vie d'un couple unique, de deux personnes extraordinaires. C'est partager leur histoire, leurs actions, leur vie. C'est passionnant.
Merci, merci, chers Serge et Beate pour tout ce que vous avez accompli, et ce que vous accomplissez encore. Car vous n'arrêterez jamais. Vous ne pourrez jamais cesser, parce que le combat pour la justice est devenu votre vie.
Et malheureusement, ces combats-là, il y en aura toujours à mener.
Particulièrement l'un d'entre eux, que Serge évoque en ces termes dans les dernières pages : "La collusion de tous ceux qui, de droite ou de gauche, se proclament antijuifs et antisionistes, et l'apathie d'une population qui ne parvient pas encore à croire à l'émergence d'un nouvel antisémitisme français me préoccupent beaucoup."
Par respect pour Serge et Beate, nous devrions tous nous sentir concernés.
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