Depuis peu, depuis que tu as pris confiance, j'ai l'impression que ton regard me cherche de moins en moins. Comme si, comme si tu voulais oublier ma présence. Comme si tu voulais voir que tu pouvais avancer sans moi. Non, ne te justifie pas, c'est bien naturel : la bride qui te rassurait te gêne à présent, et tu voudrais qu'elle soit en peu plus lâche ? Ou pourquoi pas, t'en libérer ?
Laisse moi quand même te donner quelques conseils. Calme, calme ma belle, j'ai dit "conseils", je n'ai pas dit "menaces". Laisse-moi te rappeler d'où tu viens, qui tu étais et comment tu en es arrivée là. Tu m'entends ? N'oublie jamais ce que tu me dois.
La rupture avec Cédric fut brève. Un pansement qu'on arrache.
Les plus grandes leçons se donnent en silence, n'est-ce pas?
La mort, tu sais, ça ne se regarde pas en face, sinon on se brûle les yeux.
"On reconnaît un chirurgien car il s'énerve sans bouger, le regard concentré, le regard impassible. Les lèvres se contractent peut-être, mais quelle importance, sous le masque on ne les voit pas. Les insultes, au bloc, fusent dans le calme et dans tous les sens. Enfin, non, pas dans tous les sens. Du médecin à l'infirmier, c'est OK. Du chef de clinique à l'interne, passe encore. De l'interne à l'externe, ça marche aussi. Si on ne supporte pas, faut pas s'engager. On n'est pas obligé. Il y a d'autres spécialités. Les endocrinologues, par exemple, sont nettement plus distingués. Et puis, si l'on s'en sort, on se serrera la main après la chirurgie et tout, ou presque, sera oublié. Pour celui qui insulte, évidemment. L'autre s'écrasera et gardera sa rancoeur en dedans."