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Critique de ManedWolf


Eh bien, quel morceau !

Fidèle au poste, je savoure avec un immense plaisir chaque nouvelle parution de Joseph Kochmann, et il était évident que je serais à nouveau au rendez-vous pour celui-là. A la fois un tome 3, ou un tome 4, ou peut-être un tome 7, selon comment on décide de regrouper cette vaste fresque, ce roman peut presque être lu de manière indépendante, ce qui est un sacré tour de force en soi. Mais soyons clairs, je pense qu'il gagne clairement en saveur et en ampleur quand on a déjà voyagé dans son univers.

Plus les romans se succèdent, plus il devient évident qu'on est sur un projet totalement barré, très personnel et à la fois très accessible, incroyablement structuré, bourré de second degré et d'auto-critique, de plus en plus assumé dans son abandon du quatrième mur, foisonnant de références et de symboliques (parfois de notoriété publique, parfois propre à la vie de l'auteur.e), empreint d'émotions intenses et contrastées, bref un immense terrain de jeu qui ne recule devant rien, même quand la direction semble très personnelle, ou trash, ou contraire aux codes traditionnels de la narration. Un genre de liberté totale, en somme, qui trouve toujours un moyen de te prendre par la main pour que tu apprécies le voyage et que tu ne te sentes pas largué.e.

Teckelogie de la Bêtise, c'est la quintessence de tout ça : on pousse les curseurs au maximum, on récupère tous les personnages de toutes les oeuvres précédentes, on trouve le moyen de relier toutes les histoires, on se livre plus que jamais, on détruit l'intrigue quand elle ne nous plaît plus, on monte d'un cran dans le sombre, le gore, le gratuit, on insulte même son lectorat, on tempête, on renie... il y a un côté "fury room", coup de pied dans l'énorme construction en lego, frustration ou fatigue de cette oeuvre tentaculaire qui doit demander un tel effort pour tenir droit, besoin d'exploser, de tout sortir, de choquer, d'exprimer ce raz-de-marée de souffrance, de colère et d'incompréhension...

... Et malgré tout ça, et pendant tout ça, on te guide, on te raconte, on structure, on garde un cap. On autorise ce glitch immense, et on raccroche les wagons, on refuse de partir comme ça. On rappuie sur play, on laisse tout le monde boucler l'intrigue, et mieux encore, on annonce un ultime tome. Quelle résilience, quelles montagnes russes, quel soulagement c'est de sentir un certain retour d'organisation après tout ça. de la même manière que le jeu "Celeste" utilisait avec brio le game design pour faire ressentir la difficulté du combat contre la dépression, j'ai l'impression que dans Teckelogie de la Bêtise c'est le style, la narration, la structure qui se mettent au service d'un sentiment plus vaste, qui permettent de sentir aussi fort ce trop-plein, cette rage, ces pulsions destructrices. C'est pointu, c'est audacieux, je ne peux que saluer tout ça.

Je mets des "on" partout parce que je parle de mon ressenti de lectrice, et évidemment pas des intentions de l'auteur.e qui lui appartiennent. Mais de mon côté, j'ai le sentiment que ce tome était un passage important, dans l'ensemble de la saga, comme une émotion qui montait, montait depuis le début et dont on est soulagé qu'elle sorte enfin, dans l'espoir qu'elle laisse la place à une forme d'apaisement. C'est aussi pour ça que, de mon point de vue, ça vaut la peine de le lire en dernier, pour sentir cette progression et mieux recevoir ce climax. Bien sûr que si je voulais le chroniquer comme n'importe quel roman, je pourrais parler du plaisir de revoir les anciens personnages, de ce fil rouge des Trois Astres qui m'a happée d'emblée et qui m'a tenue en haleine jusqu'au bout, des pointes d'humour (Renard Actus, j'ai beaucoup aimé :D), du style maîtrisé, bref, de tout ce que j'ai déjà pu dire dans les tomes précédents. Mais là, en moi, c'est autre chose qui s'est joué, et c'est là-dessus que j'avais envie d'insister. Sacré voyage, sensations folles, je me demande bien vers quoi tout ça convergera, et je serai évidemment de la partie pour le grand acte final.
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