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Critique de thedoc


thedoc
30 septembre 2022
Cloé Korman, à la manière d'un détective, remonte les traces de son passé familial et nous livre un bouleversant témoignage, aussi intime qu'édifiant, en ravivant la mémoire de ses « petites » - mais grandes en fait – cousines. « Les presque soeurs », c'est l'histoire d'un groupe de petites filles qui, durant quelques mois, vont se désigner ainsi. C'est un livre où l'on va raconter comment elles ont vécu leurs mois d'emprisonnement, l'absence de leurs parents et leur vie de petite-fille.
A Montargis, en juillet 1942, suite à la rafle de leurs parents, les petites Korman, Mireille, 10 ans, Jacqueline, 5 ans et Henriette, 3 ans, sont placées chez une femme, Mme Mourgue, une femme non juive mais qui en sa qualité d'épouse d'un homme juif, est éligible à être l'hôte d'enfants juifs. En octobre, les petites sont arrêtées par les gendarmes et envoyées en prison. C'est là qu'elles retrouvent les soeurs Kaminsky, Andrée, Rose et Jeanne, qu'elles connaissent déjà. La mère de ces dernières a également été raflée alors que leur père se trouve en zone libre, dans un camp de travail. Prochaine destination pour les fillettes, le camp de Beaune-la-Rolande, avant les orphelinats de l'UGIF, à Paris.

Comme je le dis souvent en lisant ce genre d'ouvrages, c'est lorsque la grande histoire s'écrit à travers la petite que l'on prend toute la dé-mesure de ce qui fut. L'histoire de ces fillettes est hallucinante à bien des égards. D'une part par le récit profondément intime qu'en fait Cloé Korman qui rend ces petites filles si proches de nous, d'autre part par l'enquête minutieuse de l'autrice qui nous permet de lever le voile sur le sort des enfants juifs en France durant ces mois qui ont suivi les rafles de leurs parents.
Cloé Korman alterne dans son récit le passé et le présent, insufflant dans l'évocation des petites-filles ses sentiments du moment alors qu'elle s'apprête à devenir mère pour la seconde fois. L'émotion aurait-elle été la même sans cela ? Sans doute pas lorsqu'elle voit son petit garçon de deux ans qui a un an de moins que sa petite cousine Henriette au moment de son arrestation. C'est sans doute aussi ce qui lui permet de raconter les gens et les faits à hauteur d'enfant, rendant les 7 mois où les Korman et les Kaminsky se sont soutenues comme un temps très long, qui s'étire à l'infini. Alors que 7 mois, ce n'est rien, sauf pour des enfants si jeunes.
C'est toujours à hauteur d'enfant que l'on prend en pleine face toute la folle maniaquerie d'une administration collaborationniste qui signait les arrêts de mort des enfants en dressant des listes de noms et en gardant un contrôle sur eux dans les lieux de semi-liberté qu'étaient les centres de l'UGIF. Que représentaient ces « home » au final ? Juste le purgatoire avant l'enfer.
Pour remonter si précisément les traces de ses cousines, Cloé Korman n'a pas hésité à mener une quête topographique en retournant sur les lieux du passé. de la prison de Montargis aux anciens orphelinats de Paris, en passant par Beaune-la-Rolande, l'autrice s'est muée en enquêtrice, imaginant dans les cours ou à travers une fenêtre, le périple des petites-filles. Certains se perdront peut-être dans ce dédale de rues parisiennes. Pour ma part, je les ai sillonnées sans les connaître et cela m'importait peu. Car comme le dit un rappeur très connu, "c'qui compte c'est pas l'arrivée, c'est la quête". Et celle de Cloé Korman donne sens à tout le récit.

Oui « Les presque soeurs » est un témoignage important sur le sort des enfants juifs en France à cette époque, sur ceux qui les ont trahis, sur ceux qui les ont aidés - des figures comme Adélaïde Hautval ou encore le médecin Weill-Hallé, des « justes », sont évoquées. C'est enfin un bouleversant hommage à la mémoire des siens et à ces vieilles dames d'aujourd'hui qui, un jour, ont organisé leur propre évasion, digne d'un roman d'espionnage. A quoi tient le fait que les unes s'en sortent et pas les autres ? Peut-être au fait qu'un papa était encore en vie et qu'il donnait de l'espoir et de la force à ses petites-filles. Andrée, Rose et Jeanne s'en sont sorties, courageusement, heureusement. Mireille, Jacqueline, Henriette s'en sont allées, courageusement, malheureusement. On ne les oubliera pas.
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