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Critique de jlvlivres


Un petit livre « Tu es donc Daniel », traduit par Margot Carlier (2008, Interférences, 112 p.). J'aime bien cette collection à la couverture agréable en noir et blanc.

« Tu es donc Daniel » est une suite de textes assez courts, souvent de moins d'une page. Presque des poèmes en prose qui illustrent et mettent en exergue des moments émouvants, ou des personnages. On retrouve ces instants ou personnes dans les autres oeuvres où Hanna Krall a raconté leur vie.
Des scènes diverses, de Zakopane en Pologne, à Varsovie ou Norwood près de Boston, de Sobibor ou encore de Kreutzberg dans la banlieue de Berlin, et de 1992 à 2000. Des séquences diverses ou des historiettes dans lesquelles se mêlent des gens, une pianiste « nommée Hamlet après Treblinka », « Luis, le chat des voisins » ou « Menhahem-Mendel, le tsaddik de Loubavitch ». mais « les mots du tsaddik provoquent chez la femme de Boston de l'étonnement, de l'indignation et une grande tristesse ». Ou encore, la discussion entre l'éditrice Hanna Krall « enfant de la génération révoltée de soixante-huit » et le baron, ancien commandant de la Wehrmacht, qui fait penser à Ewald von Kleist. Dubno enfin et le massacre des prisonniers par les russes en 1941, prélude à la grande bataille de chars emmenés par le 1er Panzer Group de von Kleist contre l'Armée Rouge et ses nouveaux chars T34 et KV1, supérieurs technologiquement (plus de 1000 chars). Mais reste le massacre, attribué aux russes quoique perpétré par les Ukrainiens. « Il le raconte en n'employant que les mots indispensables. Il ne veut pas de question ». Vieil homme, au sang bleu, amputé et châtelain en conversation avec la jeune polonaise qui n'a « encore jamais parlé avec des Allemands qui ont fait la guerre » et qui confond SS et soldat. Prélude aussi aux massacres des polonais en Volhynie par les ukrainiens toujours entre 1942 et 1944.
« Tu es donc Daniel » est tiré d'un poème de Daniel Vogelman « Cinq apostrophes à la petite Sissel ». Sissel était la fille de Shulim Vogelmann et Anna Disegni. Arrêtée à 8 ans avec son père et sa mère en décembre 1943, puis envoyée à Auschwitz. « Elle ressemblait à Shirley Temple » Hanna Krall reconnait que « l'idée du roman m'est venue en pensant à Sissel Vogelmann, une fille décédée à Auschwitz ». Son nom, qui devient dans le roman écrit par Roberto Riccardi « La foto sulla spiaggia » (2012, Giuntina, 146 p.) soit (La photo sur la plage) « Maintenant, je vous salue, petite soeur. / Aidez-moi à vivre si vous le pouvez. / Et aussi mourir. / Comme je l'ai dit, / j'espère vous rencontrer un jour. / Et je suppose que je serai très excité ». C'est un peu aussi l'histoire de Hanna Krall en tant que rédactrice qu'elle est, mais sans éprouver « de la compassion pour les assassins », fidèle et traversée de tristesse autant que d'amour pour l'humanité. Elle se pose en effet dans la lignée des tsaddikim « rien n'est plus entier d'un coeur brisé juif ». c'est aussi la tradition du Rabbi Ménahem Mendel de Kotz, un des plus célèbres rabbis hassidiques, connu pour son exigence absolue en matière de piété religieuse.
Le terme hébreu « tsadik » désigne littéralement un homme juste. Selon une tradition issue du Talmud, il existerait de par le monde, à chaque génération, 36 justes. S'ils venaient à disparaître, le monde serait détruit. Rien ne les distingue apparemment des autres hommes et souvent eux-mêmes ignorent qu'ils font partie des 36 Justes, d'où l'idée qu'ils sont « cachés ». Ces 36 justes. En hébreu, ils se nomment les « Tsadikim Nistarim », c'est-à-dire sont les « Justes cachés », ou encore les « Lamed Vav Tsadikim » souvent abrégée en « Lamed Vav ». Cela correspond à l'inscription sur le mémorial du camp de Drancy représenté par les deux lettres lamed et vav, soit la douzième et la sixième lettre de l'alphabet hébreu, qui vont donner le lambda et l'upsilon dans l'alphabet grec.
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