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Citations sur J'ai choisi la liberté (2)

Les horreurs que je vis ce matin-là, tandis que je faisais avec Chadaï la tournée des maisons, il n’y a pas de mots pour les exprimer. Sur le champ de bataille, on meurt vite ; on a au moins la possibilité de se défendre; on est soutenu, enfin, par l’esprit de corps et par le sentiment du devoir. Dans ce village terrassé par la famine, au contraire, les gens mouraient lentement, hideusement, à petit feu, dans la solitude la plus complète et sans même avoir la consolation de se sacrifier pour une grande cause. Il avait suffi d’une décision de politiciens, arrêtée dans une capitale lointaine, devant le tapis vert d’une conférence ou la table bien garnie d’un banquet, pour transformer tous ces pauvres gens en de véritables animaux pris au piège que l’on laissait mourir de faim, chacun dans son coin.
Le plus effrayant spectacle, c’était celui qu’offraient les petits enfants, avec leurs membres d’une maigreur squelettique, et leurs ventres boursouflés et gros comme des ballons. La famine avait dépouillé leurs petits visages de la moindre trace de jeunesse et leur avait imprimé d’affreux rictus de gargouilles ; seuls, leurs yeux conservaient encore quelque chose de la naïveté de l’enfance.
Partout, dans le village, nous nous heurtions à des hommes et des femmes qui gisaient sans mouvement, le corps et le visage atrocement marqués par la faim, le regard vide…
Après avoir frappé plusieurs fois à une maison sans obtenir de réponse, je poussai la porte et entrai, plein d’appréhension ; traversant un étroit couloir, je pénétrai dans l’unique pièce du pauvre logis. Mon regard fut d’abord attiré par la flamme d’une veilleuse qui brûlait devant une icône, au-dessus d’un grand lit, puis j’aperçus,étendu sur ce même lit, le corps d’une femme dans la force de l’âge, les mains croisées sur la poitrine et le buste couvert d’une blouse ukrainienne à dessins brodés. Au pied du lit se tenaient une vieille femme et deux enfants, un garçon de onze ans à peu près et une fillette d’une dizaine d’années ; tous deux pleuraient à grosses larmes, en répétant, avec l’intonation monotone des paysans : « Maman ! chère petite maman ! »… C’est alors qu’en promenant mes yeux autour de moi, je découvris un homme au corps inerte et gonflé, allongé sur une planche placée au-dessus du gros poêle.
Ce qui contribuait à faire de ce tableau une véritable scène de cauchemar, ce n’était pas tellement la morte sur son lit mais surtout l’aspect qu’offraient les quatre personnes vivantes enfermées dans la pièce. Les jambes de la vieille femme étaient incroyablement enflées ; quant à l’homme et aux deux enfants, ils avaient visiblement atteint le dernier stade de l’inanition. Il ne me restait plus qu’à me retirer en hâte, tout en maudissant ma curiosité – ce que je fis.

Chapitre La récolte infernale.
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Tout le monde savait aussi qu’on profitait des opérations de mobilisation pour supprimer ceux qui manquaient de confiance dans le régime soviétique. Les dossiers du NKVD avaient été minutieusement explorés et les bureaux de recrutement de chaque quartier avaient en mains des listes de suspects. Ceux dont on voulait se débarasser étaient promptement mobilisés et on les expédiait aussitôt – presque sans instruction – dans les secteurs les plus dangereux du front. C’était une espèce de purge qui n’en avait pas l’air.
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