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Critique de Kirzy


« Je suis un mur, construit au fil du temps, pierre après pierre, patiemment, une Antigone suppliciée. le jour par la vie, la nuit par les rêves. le psychiatre m'a conseillé de les écrire pour les mettre à distance et explorer mon inconscient. Je ne suis pas sûre que cette habitude me permette d'abattre le mur qui me sépare de moi-même : plus le temps passe, plus il s'épaissit. »

Carmen, enseignante spécialiste de l'Amérique latine, est à la dérive, comme son couple, incapable d'aimer sa fille, se réfugiant dans l'alcool, ravagée par le suicide inexpliquée de sa mère lorsqu'elle avait dix ans, puis submergée par le deuil récent de son père, réfugié argentin en exil en France comme son épouse. Jusqu'à ce qu'elle trouve sept carnets cachés par son père, son journal intime.

Je vais d'emblée évacuer les bémols. D'abord, un dispositif narratif, certes efficace, mais trop systématique, qui aurait gagné à être cassé : l'alternance de la lecture des carnets et les réactions de la fille avec ses incompréhensions jusqu'à ce qu'explose la vérité, sale et inimaginable pour Carmen. Et enfin, l'aspect prévisible de cette révélation, justement, qui a freiné la tension qui devait monter crescendo et amorti le choc que j'aurais du ressentir. En tout cas très prévisible si on s'est un peu intéressé à la dictature de Videla qu'a subie l'Argentine de 1976 à 1983 : l'Opération Condor qui lance la terrible répression sur les opposants, les 30.000 desaparecidos, les centres clandestins de torture comme l'éEcole Supérieure de mécanique de la Marine ou le Garage Olympo.

Soit. Mais une fois ces quelques réserves exprimées, ce premier roman est excellent dans sa façon de plonger dans les secrets de famille les plus opaques lorsque celle-ci percute la grande Histoire. Et notamment dans sa maitrise des ressorts liés à la psychogénétique voire la psychogénéalogie. le lecteur est en totale empathie avec Carmen, auprès d'elle de façon organique et instinctive. Il l'accompagne jusqu'au vertige dans sa découverte de la violence en héritage. Johanna Krawczyk interroge avec beaucoup de maturité la question de la mémoire, de la transmission,  ainsi que toutes la ribambelles de dilemmes qui en découlent : « le mensonge protège là où la vérité foudroie, pourquoi faudrait-il que la vérité triomphe ? ».

J'ai refermé le livre emplie d'émotions, bouleversée par ce parcours de vie, âpre, douloureux mais avec de la lumière au bout.

Lu dans le cadre du collectif des 68 Premières fois.

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