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4.21/5 (sur 152 notes)

Né(e) : 1984
Biographie :

Johanna Krawczyk est née en 1984. Elle est scénariste. Avant elle est son premier roman.

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Johanna Krawczyk vous présente en quelques mots son premier roman, "Avant elle", qui explore les mécanismes du mensonge et les traumatismes de la chair. Avec une plume sans concession, Johanna Krawczyk livre un premier roman coup de poing. Un scénario implacable qui nous entraine de surprise en terreur.
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Citations et extraits (36) Voir plus Ajouter une citation
La différence de perception m'effraie souvent. Un événement peut être insignifiant pour l'espèce humaine, et, dans un même espace temps, le drame d'un individu.
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En 1983, la dictature s’est effondrée. Les chiffres officiels sont tombés. Le régime a entraîné la disparition de 30 000 personnes, l’assassinat de 15 000 autres, l’emprisonnement de 9 000 détenus politiques, et le vol d’au moins 500 bébés.
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Je suis au milieu du vide sur un câble qui ne va pas tarder à se rompre. Je ferme le carnet; peut-être qu'il y a des secrets qui doivent le rester, peut-être que toutes les vérités ne sont pas bonnes à connaître? Le mensonge protège là où la vérité foudroie, pourquoi faudrait-il toujours que la vérité triomphe? Je bois, fais les cent pas, passe l'aspirateur avec acharnement. Je mets de la musique. Très fort. Du hard rock. Je danse à en perdre la tête, m'agite, fais monter les battements de mon cœur, je veux oublier, m'égarer, m'envoler; j'évacue la détresse, et tombe.
Il est trop tard pour ne pas aller plus loin. p. 101
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Je sors sur le bacon allumer une cigarette. La fumée s'infiltre dans ma gorge et me fait l'effet d'un couteau à cran d'arrêt.
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J'ai eu de la chance que tu prennes le contre-pied de ce que tu avais vécu papa. Tes mains avaient appris à se substituer aux mots : tu me chatouillais, me faisais voler dans les airs, m'ébouriffais les cheveux. Tu prenais maman dans tes bras, la faisais danser, sourire. Tu étais un être de gestes tendres.
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INCIPIT
Chaque matin je me lève avec l’impression de ne pas être moi, de ne pas être à la bonne place, dans la bonne vie, de n’être qu’un gribouillage sans allure, sans rêve et sans joie, alors je bois un peu, dès 7 heures 30, l’heure à laquelle mon réveil sonne cinq jours sur sept, je bois un peu pour passer le temps, entre deux cours et discussions, et je recommence, jour et nuit, le même traitement, je bois et après je vole, dans la rue, le métro, les escaliers, partout je vole et je regarde les autres, je me détache, une particule abandonnée, dissidente, super puissante, c’est comme ça, des années que je me dis c’est comme ça, tu ne sais vivre qu’en suspension, il faut t’y faire.

PARIS, NOVEMBRE 2016
Je me prépare en quinze minutes malgré l’alcool de la veille qui œuvre encore à me donner la nausée. Enseignante appliquée, je me dépêche pour ne pas arriver en retard et courir désespérée après le temps perdu.
À 8 heures, le pas fébrile, j’effectue mon premier changement à Châtelet et me poste sur le quai de la ligne 7 en direction de Villejuif. Je patiente, embrumée, j’entends le métro arriver. Je tourne la tête et j’en découvre un neuf où il y aura la climatisation et où je n’aurai pas trop chaud, un métro qui sera bondé sans me donner le vertige. Un homme s’approche de moi par la droite, jeune, bien habillé, cravate bleue et chemise blanche sous un costume gris. Il avance comme tout le monde le long des flèches jaunes pour attendre que le métro soit à quai. Derrière, ça grouille. Lui, il ne fait plus comme tout le monde, il ne s’arrête pas, il sort du lot et marche jusqu’au rebord du quai, jusque sur les rails, sous le métro qui le fauche dans un crissement de freins.

Les voyageurs s’enfuient horrifiés.
Je vois les visages pétris d’effroi,
L’accident voyageur, en vrai, en chair, en sang. Mon cœur s’accélère, mon souffle se coupe, je dois sortir.

Dans la ville assourdissante, j’appelle le secrétaire de l’IHEAL pour prévenir que je ne viendrai pas. Je regarde les piétons et je trace, une funambule au milieu des travaux, avant d’entrer dans ce bar, le premier que je croise, un PMU en fin de vie sans odeur de clope. Une double vodka, merci, une autre, merci, une autre! J’enchaîne les verres, mon sac rempli de copies sur le dos. L’obsidienne dans mon ventre s’emballe, alors je bois cul sec et je pense à toi papa, mon roc mon géant, et mort pourtant. Accident vasculaire cérébral irréversible, il y a un an et sept mois. La rengaine du chagrin sans date de départ. Une autre, merci!
Au bout de quelques minutes et shots, l’obsidienne cesse de s’agiter. Je paie, pars, titube. À l’air libre, je lève le nez et je déchire le jour, je réalise de belles figures avec mes jambes. Je me sens pousser des ailes, mais je tombe. Je me relève, pas mal, et j’aperçois un immeuble de briques rouges. Je suis Spider-Woman, je vais grimper tout en haut, je verrai Paris, je sauverai les suicidaires!
Un trio de mésanges traverse le ciel. Si Raphaël me surprenait, il aurait honte. Je détruis notre mariage, une briseuse de promesses! Je prends un vélo, hop la barre, je tombe, je remonte, tourne la manivelle, il n’y en a pas, je pédale.
Je suis une girafe ivre.
Une girafe ivre qui pédale dans Paris.

J’arrive devant une grande grille métallique bleue. Ma porte. Au cinquième étage, mon cocon, je m’allonge enfin et mon téléphone sonne.
Numéro inconnu. J’hésite, puis je décroche. Une voix féminine évoque un garde-meuble, des impayés… Ernesto Gómez.
Un rire nerveux s’étouffe dans ma gorge. Elle réitère.
C’est mon père… il est mort.
Je tire les rideaux tant le soleil m’éblouit et j’entends :
« Récupérez ses affaires ou tout sera détruit. »
Je ne sais plus où je suis, je sombre.
Il fait noir, nuit peut-être, et je me sens courbaturée. Je n’ai aucune idée de l’heure qu’il est. Raphaël n’est pas encore rentré avec Suzanne. Je m’étire, me tourne sur le côté, la couette sous l’oreille, prête à me rendormir dans la position du fœtus quand le flash me saisit : l’appel.
J’attrape mon portable, le numéro inconnu est là, les informations me reviennent.
Tu avais un garde-meuble, papa ?
Je me redresse dans un sursaut et regarde ma montre. 18 heures. Si je pars maintenant, j’ai encore une chance de récupérer tes affaires.
Le garde-meuble Presto-Secure, près de la station Gallieni, est un immense bâtiment sans fenêtre qui s’enfonce dans le sol et me donne le tournis. La femme que j’ai eue au téléphone, mon âge sûrement, la trentaine un peu passée, jolie et très maquillée, m’annonce que tu louais ce box depuis cinq ans. Elle me présente ses condoléances, me tend une facture, une clé, et m’indique le troisième sous-sol.
Voyant que je ne bouge pas, que je reste muette, elle agite son bras dans les airs : « L’ascenseur, c’est là-bas ! »
Je pivote. Mon corps me porte tandis que ma tête pense en solo, pourquoi ne m’avoir jamais parlé de cet endroit, pourquoi n’avoir jamais parlé de rien ? Tu te souviens, toutes ces fois où je t’ai demandé de me raconter et où tu as refusé ? Un soir au coin du feu, toi paisible dans ton fauteuil et moi fascinée par l’homme que tu étais. Un après-midi en balade le long de la mer, étourdis par le vent. Le jour de mes trente ans. Le jour où je suis allée te chercher au commissariat parce que tu avais insulté des policiers. Combien de fois j’ai voulu percer le mystère, briser les remparts que tu avais construits, faire mienne ta folie; comment as-tu fait?
Torturé, battu, humilié, comment as-tu fait pour continuer de vivre, rire, croire? De m’aimer, travailler, effectuer les petits gestes du quotidien, ces tout petits riens qui font la vie?
Tu es parti sans un mot, et
Je suis devenue orpheline,
Tes cartons chez moi,
Ton corps au cimetière,
Ton fantôme à mes côtés!
L’ascenseur me rappelle à l’ordre. J’entre, et face à moi, un homme d’une quarantaine d’années, perfecto et jeans troué. On se scrute sans un mot. Il penche sa tête vers la droite, style cow-boy, et sort au niveau moins deux.
Je regarde le panneau de contrôle, encore un étage et ce sera mon tour.
Les portes de l’ascenseur se referment dans mon dos. Mon pas est lourd, des picotements de peur s’invitent le long de mes doigts et de mes orteils. Je suis le couloir et arrive devant le box, noyé au milieu d’une dizaine d’autres identiques. L’obsidienne dans mon ventre s’active, cisèle et hache. Je lève la porte coulissante, partagée entre l’inquiétude et l’espoir. J’allume, et j’entre.
Le box est vide. Presque.
Au milieu, trônant en solitaire, un bureau, avec une lampe de chevet et une chaise. Dessus, il n’y a rien, pas même un stylo. Tu aurais détesté avoir cet immense secrétaire moderne en bois massif à la maison. Pourquoi un aussi gros meuble pour si peu de rangements? Je t’entends comme si tu étais à côté de moi, et je vois la mine désolée de maman, n’ayant aucune autre issue que de ramener l’objet du litige au fournisseur en le priant aimablement de la rembourser. Sur deux énormes pieds couleur pin, deux petits tiroirs encadrent le tiroir central, large mais peu profond. Je les fouille, ils sont vides. À l’intérieur, il n’y a rien: ni papier ni objet, ni clou ni vis. Je repasse la main une dernière fois, j’ai dû rater un indice. Je cherche, encore, jusqu’à ce que, tout au fond du tiroir de droite, mes doigts effleurent une petite clé.
Devant Presto-Secure, après trois quarts d’attente, la camionnette de Lucas fait son entrée. Depuis longtemps, les situations complexes, c’est lui. Ce grand brun à la mine aussi pâle que l’hiver me regarde sans poser de questions, attendant les consignes, ami fidèle même après des mois de silence.
Ce soir, sa main compatissante tapote mon épaule. Je le conduis au moins trois. Dans le box, j’étale deux rails blancs sur le bureau. Je pose mon nez, lui le sien, et on porte. Je manque de l’embrasser, le toise, me ravise. Je suis incorrigible : trouble de la personnalité borderline. TPB, la formule du psychiatre.
Après un rendez-vous pris sur les conseils de Raphaël, je me suis retrouvée avec ce tatouage imposé. Méthodique, j’ai lu tout un tas d’articles, état limite, hyperémotivité envahissante, sentiment chronique de vide, comportement puéril ou égoïste, difficulté à gérer la colère, tendances suicidaires, problème d’identité, alcoolo-dépendance, trouble de l’appétit, automutilation. Une liste labyrinthique pour un bilan simple : je suis une cocotte-minute sur le point d’exploser, un élastique qui se tend de plus en plus jusqu’à céder et se retrouver éjecté contre un mur.
Un élastique qui se tend.
Un putain d’élastique à 0,50 centime d’euros.
Borderline.
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Tu t'es transformé en un jardin ravagé, sans âme qui vive, sans enfant qui joue, sans aucun espoir. Tout ton corps n'était plus qu'une façade en trompe-l'oeil participant au spectacle de la vie, une façade vieillissant aussi mal qu'une photographie exposé à la lumière. Tu faisais, voilà tout, et je ne sais pas où tu puisais ta force. Tu étais là, un parmi plusieurs, un anonyme en quête de je, de mains tendues et généreuses, toi, homme brindille glissant sur une pente raide, s'accrochant, déterminé à faire partie des grands.
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Assise en tailleur dans le bac à douche, prostrée, je m’interroge : comment les gens réussissent-ils à cautionner l’enfer ; par ignorance, désintérêt, peur de mourir, illusion de liberté ? Par conviction idéologique ? Non, ceux-là sont une minorité. Toi – une minorité. C’est le confort du plus grand nombre qui permet à l’horreur de s’ériger en système, il est tellement plus confortable d’obéir plutôt que de prendre position, tellement plus confortable de ne rien dire pour ne pas se sentir concerné, de se transformer en automate pour continuer de vivre en se croyant libre. C’est rassurant, l’autorité. Et l’homme sait si bien s’accommoder des faits pour situer sa conscience du bon côté. Mais ; torturer, violer, tuer ? Torturer, torturer, torturer. Elle est là, cette vérité effrayante qui résiste à ma compréhension. Comment autant d’individus ont-ils pu ? Pour se sentir exister, moins misérables, survivants dans une vie faite d’incertitude et d’angoisse ? Comment l’homme peut-il oublier à ce point son humanité ? Comment as-tu pu l’oublier, toi, après tout ce que tu as traversé ?
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Plus tard je serai romancier. Pour faire rêver les gens les protéger de la saleté de la vie.
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Un événement peut être insignifiant pour l'espèce humaine et, dans un même espace-temps, le drame d'un individu.
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