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Critique de Levant


Ma première expérience de la littérature hongroise – Les braises de Sandor Marai - m'avait encouragé à me frotter à un autre auteur de la même origine. Curieuse idée. Il n'y a pas plus de chance d'apprécier un auteur parce qu'on a aimé les écrits d'un compatriote. Disons que c'était plus surement l'intention d'approfondir la connaissance d'une culture qui a sa particularité en Europe, ne serait-ce que par sa langue. Elle fait exception. C'est une île dans l'océan de ses voisines slaves, germaniques et latines.
Mais comment percevoir l'exception dans une traduction ? La traductrice de Sept hiboux nous ouvre une fenêtre sur cette particularité avec la fidèle préservation des innombrables toponymes et patronymes de la version originale, à tel point que cela devient un inconvénient, un obstacle à la fluidité de la lecture. Essayez vous à la lecture de ce qui suit, sachant en outre que le clavier français ne permet pas de placer les accents sur certaines voyelles
- page 86 "on l'appelait Szerelemvölgyi",
- page 91 "…les compliments sur la colline Svabhegy….une excursion à la taverne Hartarcsarda de Megyer.
La présence d'innombrables renvois de bas de page, explicitant, commentant, traduisant, les insertions couleur locale est un autre obstacle au confort de lecture. La traductrice pousse le perfectionnisme jusqu'à traduire en hongrois, en bas de page, ce que le texte donne en français. Sans doute destiné aux expatriés. Je n'ai pas perçu le bénéfice d'un tel luxe.
Sept hiboux est un ouvrage pour ceux qui n'aiment pas être tenus en haleine par un suspens insoutenable jusqu'à la dernière page. Pour tout dire d'ailleurs, en raconter l'intrigue n'est pas chose aisée. Nous sommes dans un roman d'ambiance, celle de la vie citadine d'un jeune écrivain, Joszias, à la vie amoureuse erratique et irrésolue, en quête de notoriété. C'est une ambiance empreinte de ce romantisme du XIXème siècle avec les caractéristiques qu'on lui attribue : l'exaltation des sentiments, qui sombrent parfois dans la mélancolie, le goût de la solitude, une forme de lyrisme qui ralentit le pas de l'intrigue quand elle a décidé de se révéler. C'est une ambiance qui peut aussi prendre une tournure épique, comme dans cet ouvrage avec la traversée du Danube pris par les glaces par des amoureux décidés à théâtraliser ce qu'ils pensent être leurs derniers instants.
Il y a dans ce genre de prose d'incommensurables longueurs. Pour preuve la retranscription, tirée de l'ouvrage que Joszias cherche à faire éditer, de la passion de son héros pour la chevelure des femmes. Il faut bien s'assurer de sa vigilance, à moins de partager la même passion, pour franchir le cap. Pas moins de quatre pages.
Je me suis toujours demandé quelle était la part de fiction dans ce roman, tant les références à des personnages ayant réellement existé dans l'histoire de la Hongrie, en particulier des milieux littéraire, politique, et journalistique, y sont omniprésentes. Sans oublier un autre personnage, tant elle prend sa place dans la narration et dans le cœur des protagonistes, qu'est la ville de Budapest. Nous sommes à l'époque de sa création par la réunion des trois villes riveraines du Danube : Pest, Buda et Obuda. On perçoit bien l'attachement que lui porte l'auteur, Gyula Krudi, lui pardonnant ses laideurs. Cela fait évidence dans la bouche des personnages de ce roman. Cela fait aussi évidence de nostalgie à la veille de la grande guerre qui va précipiter la fin de règne de la monarchie austro-hongroise.
Les autres personnages, les vrais, sont des êtres complexes. Leur passé reste flou, voire mystérieux, mais on comprend qu'il a été plus ou moins chaotique. Ils peuvent faire preuve d'une grande fantaisie, sont toujours sincères, et ne se fixent pas d'autre but que celui de vivre une passion ou de leur passion. Ce roman nous offre une belle palette des mœurs et de la vie quotidienne d'une classe sociale moyenne qui rêve d'émergence dans l'Autriche Hongrie François-Joseph 1er et de l'impératrice au triste destin, Sissi.
Bien que servi par une belle écriture ce texte n'a pas emporté mon suffrage. Ma soif d'exotisme s'est évanouie dans les brumes de Budapest. De chapitre en chapitre je suis resté dans l'attente de ce coup de fouet qui aurait réveillé mes sens. Peut être que lorsque j'aurai soupé des turpitudes de ce monde je trouverai avantage à me laisser bercer par ce romantisme doucereux et nonchalant.
Je remercie Babelio et les éditions des Syrtes de m'avoir permis de faire connaissance avec Gyula Krudi, auteur prolifique et populaire en son temps et son pays.
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