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Critique de Jahro


Sigismund Krzyzanowski : conférencier célèbre mais écrivain de l'ombre. Son oeuvre, mal comprise de son vivant et pratiquement inédite, s'est vue offrir une nouvelle chance en ressortant dans les années 90, à l'initiative de maisons d'abord compatriotes, puis anglophones et aujourd'hui française.

C'est que le gaillard s'écarte grandement du tout venant. Ses écrits, emprunts d'une technophobie très documentée et mâtinés de philosophie sociétale, constituent une sorte de pont entre les peurs rampantes contre la science balbutiante dont jouait Edgar Poe et le mouvement intellectuo-SF actuel. Plus humble que son confrère américain, il n'hésite pas à rayer d'un trait ses propres démonstrations pour laisser libre cours à l'imagination et aux réflexions de son inexistant lecteur.
Ici, dans ces Souvenirs du futur, il est moins question du produit inventé que de tout le cheminement mental qui y conduit. Un labyrinthe fait d'impasses et d'avenues où se meut la pensée d'un physicien, avec ses doutes, ses fulgurances, ses ratures et ses envolées.

Sterer (avec un seul R, bravo au responsable du quatrième de couverture) est un original. Obnubilé par les minutes et les heures depuis sa prime jeunesse, il se condamne à un quotidien morne et solitaire, détaché de tous, de tout, entièrement voué à une idée unique, germée dans l'auscultation enfantine d'une horloge – affronter le temps.
Un peu comme l'auteur, il ne vivra jamais avec son époque. Un peu comme l'auteur, il ne connaitra jamais l'honneur que lui rendra l'avenir. Est-ce consciemment que Krzyzanowski nous livre une métaphore si manifeste ? Est-ce volontaire si tout son livre parait l'adaptation fantasmée de son injuste destin ? Sans doute un peu ; mais laissons ça aux spécialistes.

Le fait est qu'il n'est pas exclu de légitimer au moins partiellement l'accueil réservé qu'il a reçu.
Non, la lecture de ses Souvenirs du futur n'est pas donnée à tous. Dans une atmosphère pauvre et crasseuse qui rappelle les romans glauques de son contemporain Kafka, le russe use d'un style étrange où les personnages parlent à travers leurs caractères, ici un réticule qui ne desserre pas la bouche, là des paumes qui se libèrent satisfaites… une succession d'images qu'il n'est pas toujours aisé d'interpréter. S'ajoutent les lourdes et inabouties justifications mathématiques, où il est question de t > l si et seulement si e^h² = µ, en posant l'hypothèse plus loin rejetée que z = x (j'exagère à peine) ; et puis ces errances de l'esprit singées par l'alternance de phrases interminables et interminées, ce qui n'est pas toujours…

Bref, un ouvrage obscur comme son créateur, inattendu comme son héros, qui s'il mérite sa toute fraiche mise en lumière nécessite une vraie concentration.
Avis aux curieux et autres aventuriers littéraires.

3/5
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