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Critique de oblo


Présenté dans une version bilingue, grec et français, ce corpus de lettres écrites par l'empereur Julien, qui régna effectivement de 361 à 363 (il meurt en Perse en luttant contre le Sassanide Shapur II) a le double avantage de mettre en lumière une période historique relativement peu connue (ce qui ne signifie pas "peu étudiée") et de donner à lire, dans une version authentique et spontanée, les pensées d'un homme d'Etat traversé par les troubles religieux de son temps.
Julien est resté connu, pour les chrétiens, sous le qualificatif d'apostat, c'est-à-dire de celui qui a renié sa religion : en l'occurence, le christianisme. Après le massacre de sa famille par ses cousins (fils de Constantin), Julien est élevé par Eusèbe de Nicomédie dans le respect des Evangiles. Mais redécouvrant le paganisme lorsqu'il devient un jeune homme (aux alentours des années 351-354), Julien se fait alors le protecteur de la tradition polythéiste romaine et tâche de contenir, sans pour autant céder aux sirènes des persécutions, les mouvements contestataires chrétiens.

Lire les lettres de Julien, c'est entrer dans l'intimité morale et philosophique d'un homme qui vécut voilà plus de mille six cents ans. Si ses charges contre les chrétiens sont parfois virulentes (ainsi il s'oppose à l'inhumation des morts en pleine journée ou bien il s'interroge sur l'existence des bienfaits procurés par Jésus. Tandis qu'en révérant Hélios, c'est-à-dire le soleil, on peut déjà constater son existence et son action bénéfique), il n'en demeure pas moins que Julien semble être toujours marqué par son éducation. Dans plusieurs de ses lettres transparaissent certains des principes chrétiens, dont la charité due aux pauvres, dont il veut draper les prêtres païens. Sa connaissance du christianisme - on se rappelle qu'il écrivit aussi un traité, Contre les Galiléens - lui permet, en outre, de manier l'ironie : ordonnant la saisie des richesses de chrétiens d'Edesse, il argue que, ainsi dépouillés, ils n'en atteindront que plus facilement le Paradis.

Homme d'Etat, il tâche aussi d'éradiquer les violences inter-religieuses tout en se heurtant à l'intransigeance des chrétiens. Les lettres montrent l'évolution de l'attitude de Julien. D'abord tolérant, il montre ensuite de sérieux signes d'agacement, constatant son isolement de plus en plus fort (notamment à Antioche). Ainsi se pose-t-il en arbitre des violences pour la cité de Bostra, tout en conseillant à la population de se débarrasser de son évêque. Vis-à-vis d'Alexandrie, il se montre tantôt paternaliste (il ne condamne pas l'assassinat de l'évêque Georges), tantôt autoritaire (il exige l'exil d'Alexandrie et de toute l'Egypte de l'ancien évêque, Athanase). C'est qu'il veut ménager la cite hellénistique, oeuvre d'Alexandre le Grand, lui qui parle mieux le grec que le latin et destine nombre de ses lettres à des philosophes grecs. Dans ces lettres, Julien ne s'y montre pas que rhéteur : il est aussi un ami fidèle qui récompense et qui invite, qui donne même de lui-même (dès la première lettre, il offre une propriété en Bithynie).

Tout à la fois témoignages historique et philosophique, les Lettres de Julien sont aussi les marqueurs d'un monde qui change. le paganisme affiché de Julien est trop tardif : le christianisme a déjà conquis non seulement les territoires, mais aussi les mentalités.
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