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Critique de Kirzy


Kirzy
06 décembre 2023
°°° Rentrée littéraire 2023 # 49 °°°

De façon générale, je suis peu férue d'autofiction. J'en lis, tout de même, et suis souvent agacée par leur tendance au nombrilisme pour dire du vain et du rien, tout en reconnaissant que parfois, certains textes parviennent à dépasser cet écueil pour toucher à l'universel en célébrant liberté et autodétermination. Hêtre pourpre est tout cela à la fois.

Souvent agaçant voire exaspérant. L'auteur raconte sa queerness, ses interrogations depuis tout petit sur son identité sexuelle, en déversant sur le lecteur une avalanche de sexe homosexuel très explicite rempli de fluides en tout genre. Trop, c'est répétitif et donne au texte un côté « vidange » exhibitionniste qui n'apporte pas une compréhension supplémentaire de la psyché de l'auteur.

Souvent épuisant. Les phrases de Kim de l'Horizon sont une déferlante, un flux narratif sinueux. Un flot de dialogues et de scènes éclectiques dans lequel il n'est pas aisé de se retrouver tant les styles et registres sont variés.

Agaçant, épuisant mais aussi fascinant par l'inventivité de ce chaudron littéraire magique. A sa propre non-binarité, l'auteur propose une non-binarité de la langue, possible en allemand par le recours au neutre grammatical appliqué hors des standards habituels. La traductrice Rose Labourie a choisi des terminaisons inclusives en « ǝ » et « æ » pour éviter les accords genrés. C'est une expérience assez bizarre au départ, mais une fois qu'on s'y habitue, sa pertinence saute aux yeux pour accompagner un auteur en quête d'identité qui mélange tout aussi allégrement allemand classique à un dialecte bernois. Cela donne une écriture pleine de sève, de vitalité, en totale liberté pour proposer une licence poétique explosive.

Et au final, j'ai refermé le livre vraiment touchée. Car même si l'auteur peut sembler exhibitionnisme dans l'étalage de ses sentiments et de sasexualité, il le fait avec une sincérité évidente. Lorsqu'il évoque le petit enfant qu'il était, qui se questionne face à son miroir pour savoir quand il faut décider d'être un garçon ou une fille, ça touche.
Lorsque l'auteur remonte à ses racines maternelles jusqu'au XIIIème siècle, déterrant tout un tas de secrets pouvant expliquer beaucoup de choses du présent, ça touche.

Lorsque Kim de l'Horizon raconte l'histoire du hêtre pourpre planté à la naissance de sa grand-mère maternelle, on est ému des connexions qu'il établit avec cet arbre-miroir, un arbre qui perd ses feuilles mais reste planté là, persiste avec de nouvelles feuilles, se transforme.

Et lorsqu'il parle de sa grand-mère ( en bernois, la grand-mer ) en train de devenir sénile, des objets de sa maison, des parties de son corps, c'est juste sublime :

« Les mains de grand-mer étaient des bêtes. Elles étaient perpétuellement en mouvement. Leur agitation fébrile en faisait des souris, des souris sans poil, avec de la peau, de la peau rugueuse comme de l'asphalte craquelé. Leur forme en faisait des araignées, de petites créatures pleines de pattes au dos rond ; prisonnières de leur corne, elles cherchaient sans relâche à sortir de grand-mer, tâtonnant comme des aveugles qui viennent de perdre la vue. Elles attrapent des patates qu'elles épluchent avec avidité. Empoignant la petite cuillère à moka pour pelleter du sucre dans la tasse de café – oui, ce mouvement étranger à la petite cuillère relève du coup de pelle. »

Un texte vraiment singulier, que j'ai ressenti de façon très inégale, incontestablement déroutant mais qui vaut par ses passages vraiment exceptionnels de vérité cherchée et de vérité retrouvée.
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