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Critique de Athalie2


Une station service, dit le narrateur, pompiste philosophe, sociologue et un peu perché, est le lieu du début de l'aventure des possibles. « Passage obligé des gangsters, des fuyards, elle est le pivot du récit des marges ». Et le fait est que cinématographiquement parlant, cette ode à la station service n'est pas sans convoquer un imaginaire de road movies crépusculaire. Mais celle du narrateur se situe à Pantin, en face d'un campanille, à l'enseigne lumineuse clignotante fantasque et à côté d'une maison abandonnée, du moins devrait-elle l'être.

Notre héros, fort peu héros, contemple de ce poste d'observation la vie qui y vient ou s'en va, 189 petits morceaux satiriques, burlesques, fantasques, pertinents et décalés de tranches de vie, dont la sienne, qui n'est pas si simple … Entre deux films de série B, de zombies ou coréens post apocalyptiques, deux parties de dames avec son ami Nietzland, deux coups de fils à son père, dont la vie sentimentale tordue échoue dans les bras d'une psychologue, il se fait voler sa clef USB par un clochard et tombe amoureux d'une cliente au comportement érotique tordu …

Durant les heures qu'il passe derrière le comptoir, il se rêve en Baudrillard, souvent dépassé par ce qui se passe autour des pompes ou des rayons, ce qui s'y dit, il glose autour d'une phrase ( « les migrants surjouent l'exil ») ou d'une figure récurrente : l'habituée du mardi qui vient en vélo acheter un paquet de chips à l'oignon, tous les mardi, à la même heure, en talons aiguilles, laissant derrière elle flotter une sorte de halo qui tétanise le coeur de notre pompiste. Des inconnus lui confient des livres à code secret, ce qui n'est pas sans l'inquiéter. La station service serait-elle un repère terroriste … Entre deux contemplations, et tergiversations, le narrateur organise des expositions clandestines sur les murs, en format A3, avec post it explicatifs, des stations services américaines, puis des pétroliers, son patron passe de temps en temps pour le remotiver par nouvelles techniques de vente du sandwich … Mais l'essentiel de son temps, le pompiste le passe à regarder le monde passer et ce monde est burlesque, drôle, bancal, un poil surréaliste, dans une écriture qui mêle aphorismes doucement déjantés et ironie du dérisoire …

C'est une galerie de personnages, de situations, de conversations, souvent tronquées, qui défilent dans ce lieu de consommation anonyme devenu le centre du monde, le bocal d'agitations éphémères de clients poissons rouges : l'homme ivre qui titube, sandwich au poulet à la main en hurlant le prénom de celle qu'il a dû aimer, la famille de la pompe cinq, la ruée sur le coca zéro qui trouble notre narrateur, invisible philosophe méditant la cocazéroïsation de l'humanité.

De malicieuses » choses vues » dont on se délecte !
Lien : https://aleslire.wordpress.c..
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