Un court roman publié voilà près de cent ans, en 1922. Et pourtant, quelle actualité dans ce texte!
Plusieurs thèmes sont abordés avec un grand talent : l'amitié d'abord, et à travers elle, la culture littéraire, puis l'antisémitisme, l'altruisme, la volonté du narrateur de remplir une mission en tentant de protéger son ami juif, développant une vénération sous laquelle on sent pourtant percer parfois un dégoût sous-jacent quant au physique de
Silbermann, et puis les renoncements.
Deux personnalités, l'une très forte, celle de
Silbermann, victime de la haine raciale, de la condescendance forcée des bien-pensants, l'autre bien plus faible, le narrateur, qui voudrait bien devenir un héros et qui reste une pâle figure.
Le jeune
Silbermann est magnifique de lucidité, le narrateur voit chez lui de l'arrogance, se convainquant peut-être que celle-ci est dans les gênes de
Silbermann, tandis que celui-ci est l'archétype de l'anti-héros aux yeux de ses collègues de classe.
Et puis les adultes, spécifiquement les enseignants et surtout les parents du narrateur, perdus dans un monde carriériste, au point d'être les acteurs du premier renoncement, qui leur vaudra une détestation éphémère de leur fils, le narrateur.
Le livre se termine sur une magnifique tirade de
Silbermann sur le pourquoi de l'antisémitisme. L'auteur ne donne pas toutes les réponses mais en effleure quelques-unes.
Et pour conclure, un final superbe. le narrateur qui décrivait si bien "les deux paumes désarmées" de
Silbermann, qu'il comparait à celles du Christ en croix, entendra-t-il le chant du coq lorsqu'il proférera, à la dernière page, l'ultime réplique?