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Critique de lousalinger


Un destin bien singulier que celui de Len Zinberg. Écrivain très engagé, opposant à toute forme d'inégalité raciale et sociale et en plus communiste revendiqué. le tiercé gagnant pour intégrer la liste noire des artistes mis au ban de toute activité pendant les années 50. Loin de remiser la plume au tiroir, Zinberg veut continuer à écrire sous un autre nom (Ed Lacy ou Steve April). Et comme les choses ne sont pas si mal faîtes, il jette son dévolu sur le roman noir. Une évidence. Nombre de ses pairs ont fait de cette "littérature de gare" leur genre de prédilection, qui leur donnera plus d'une fois l'occasion d'affirmer un style et de livrer un regard sans concession sur le pays de la liberté. de par son expérience et son tempérament, l'auteur s'inscrit dans la lignée d'un Hammett ou d'un McCoy où la prose est éthérée et percutante. Son petit plaisir, offrir la vedette à ceux qui n'ont jamais droit au premier rôle. Sous sa plume, le détective privé est noir. Un changement qui n'a rien de cosmétique, la couleur de peau de Toussaint Marcus Moore donne littéralement une autre couleur à l'intrigue. Un choix donc parfaitement réfléchi, aucunement dirigé avec un regard paternaliste. Zinberg vit à Harlem, il est marié à une femme afro-américaine et s'est beaucoup investi dans la lutte pour les droits civiques. C'est dire s'il a une petite idée des épreuves subies par la communauté noire aux U.S.A à cette époque. Et s'il se projette un peu dans son personnage principal (intègre jusqu'au bout des ongles), le romancier entend surtout restituer les regards lourds de sens, les attitudes condescendantes et injustices que Toussaint affronte au quotidien. Et ça ne se résume pas seulement à du racisme frontal mais aussi à une forme plus insidieuse. Celle d'une assimilation qui finit par retourner les populations opprimées les unes contre les autres (la petite amie de Toussaint, Sybil, en est un bon exemple), et il ne s'agit plus ici seulement de couleur de peau. À mesure que Toussaint remonte le fil de son enquête, chacun de ses interlocuteurs va ajouter un couche à cette peinture consacrée aux oubliés de l'Amérique, nés dans la misère, poussés à la désespérance et finalement jouets d'un programme TV cynique où leur sort sera réduit à un spectacle crapoteux et immoral. Ça aurait pu en rester à une toile de fond, mais cet aspect politique s'intègre logiquement à un récit qui se montre en plus prophétique dans ce qu'il annonce des dérives de la téléréalité. Encore un bel exemple de ce qu'un roman noir d'à peine 250 pages peut capter de son temps. Diablement en avance ce Len Zinberg. Mais il est toujours temps de le rattraper.
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