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Critique de Nadael


Conte tragique, histoire d'un homme laissé au bord de la route, perdu dans une société qui n'a pas su - pas pu – l'intégrer. Léo a la vingtaine, il travaille dans une imprimerie à deux pas de chez lui, aux portes de Saint-Ouen dans un grand ensemble, la cité Gagarine. Jeune actif, il gagne sa vie, il a belle allure, et pourtant il est dans sa bulle, solitaire, avance tête basse, fuit les regards. Il se ferme aux autres, et à lui-même. Depuis des années, il a dressé des murs autour de lui. Léo est illettré. Une petite enfance dans un mobile home auprès de ses parents, vendeurs sur les marchés, non aimants, inattentifs, ils disparaissent un jour, comme ça. Envolés. Il a six ans. Sa grand-mère – analphabète – prend la relève. Léo entre au CP, sans être passé par la maternelle. Les apprentissages de la lecture et de l'écriture sont chaotiques mais jamais il ne redouble. Une bonne mémoire auditive l'aide à dissimuler ses manques. De vraies difficultés se font jour à son arrivée au collège, qu'il quitte à treize ans pour commencer une formation. À seize ans, il entre à l'usine, une imprimerie – comble de l'ironie, il est entouré de lettres –. Des lettres qui ne veulent plus rien dire. Des mots qui n'ont plus de sens. Sans école, dans un environnement pauvre intellectuellement, Léo a tout oublié. Handicap dont il va prendre la mesure le jour où il remplace un type sur une machine qu'il ne connaît pas. Faute d'avoir pu lire un panneau, il perd deux doigts.
Sybille, une ravissante infirmière habitant le même immeuble que Léo, s'occupe de sa main accidentée. Une amitié s'installe entre ces deux jeunes gens esseulés – Sybille est mère célibataire – un sentiment amoureux naît de part et d'autre... mais Léo s'empêche d'aimer. Son illettrisme le dévore de l'intérieur, l'isole. La honte se fait de plus en plus pesante. Malgré l'aide apportée par Sybille, le soutien de Madame Ancelme la concierge, les cours d'alphabétisation – échec dû à une prof déconcertante et affligeante –, ses discussions avec le voisin d'en face, un homme étrange qui vit dans l'obscurité et contemple les étoiles... Léo sombre. Le langage, c'est la liberté, la porte qui mène à tous les possibles. Amputé, c'est l'enfermement, la solitude, le silence.
Tout au long du roman, on espère que Léo chemine vers la lumière, l'amour, le bonheur. On est plein d'espoir, et puis c'est le noir. Une fin violente et cruelle, qui laisse le lecteur assommé, en colère, et infiniment triste. J'en ai d'abord voulu à l'auteure puis le temps passant, je me suis dit qu'elle avait mis en mots avec poésie pourtant, une réalité qu'on ne pouvait pas feindre.
Lien : https://lesmotsdelafin.wordp..
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