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Critique de djathi


Lorsque je pénètre le monde de Marie-Hélène Lafon , ou dans une veine similaire celui de Ramuz , se pose à moi la question, immanquablement, à quel registre appartient ce genre de littérature . La réponse m'échappe une fois de plus . A croire que ces gens de la terre ne se laisse pas enfermer dans des étiquettes ....
Si ce roman fait fidèlement écho à l'ensemble de l'oeuvre de Marie Hélène Lafon , il se dégage malgré tout une douleur sourde et criante , que je n'ai pas rencontrée jusqu'alors .
Toujours dans la description de ce monde , le rural , celui qui est le sien et dont elle parle avec ses tripes , sa mémoire transgénérationnelle , son souffle sec et retenu et son talent d'écriture unique , la griffe Lafon .

Mais la douleur de ce récit s'inscrit autant dans l'aspect social et économique que l'individualité .
Quand la modernité fait front aux traditions séculaires avec insouciance autant qu'avidité , c'est déjà les prémisses d'une mort annoncée , celui des derniers Indiens , les authentiques , les gardiens de la terre et du savoir , scrupuleusement attachés aux gestes ataviques et à la connaissance de terrain , aux croyances inscrites dans la culture des dictons .
Alors oui , la mère , la nourricière , celle qui observe dédaigneusement ces nouveaux paysans voisins ,dans l'émergence d'une approche révolutionnaire de la terre , s'agrippe à ses ancêtres , sa légitimité à elle de vivre la tête haute , irréductible .
Les piles de linge immaculées soigneusement enfermées dans l'armoire orgueilleuse , chaque objet à sa place et chaque place dans son objet , sacralisés par leur témoignage du labeur , labour , sillon du temps , elle règne en son domaine , la mère .

Mais régner ne suffit pas pour la mère ,pour la soulager de la peur , celle du vide , du néant et de l'incapacité à affronter celle-ci, dans l'ignorance de son moi profond et de ses blessures intimes .
Dans ce huit-clos , oppressant , à travers le monologue de Marie , liée viscéralement , physiquement , incestueusement presque à son petit frère , le Jean , Marie Hélène Lafon fait affleurer les inconsciences , les mutilations et frustrations de ces êtres statiques , derniers survivants d'un monde englouti par la mécanisation et l'industrie chimique , prisonniers de l'omnipotence d'une mère castratrice . Un paysage humain désolé , ravagé de l'intérieur , dans l'attente d'être englouti par la machine infernale du temps mécanisé .

L'écriture toujours aussi poétiquement blanche de Marie-Hélène Lafon , violente , rugueuse , rabotée pour chercher la profondeur de l'être enraciné dans la terre ...(enracinéplus pour bien longtemps ), hurle silencieusement .Parce que , chez ces gens là , on ne s'étale pas en larmoiements , ça fait désordre et ça montre . L'intime , c'est sacré . Sacré comme le tilleul centenaire dans la cour , majestueux mais mutique , gardien des secrets de famille .
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