AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Bequelune


Dans ce livre court à la forme originale, Lagasnerie livre des réflexions sur le militantisme qui sont à la fois très simples et terriblement efficaces pour se remettre en cause. Si le ton snob de l'auteur peut être irritant, la lecture de livre est stimulante.

Un mot sur la forme, d'abord. Lagasnerie ne cherche pas à écrire un essai classique avec une réflexion construite en chapitre. Ce livre se présente plutôt comme un exposé oral qu'on aurait traduit à l'écrit. Les idées se suivent une à une, par association. J'ai trouvé ce système original finalement assez efficace.

Sur le fonds, Lagasnerie se demande pourquoi la gauche perd systématiquement ses combats depuis des années, pourquoi elle peine à imposer ses thèmes dans le débat public ; et pourquoi la droite, elle, y parvient. D'où une réflexion sur les formes de la lutte, du militantisme, sur ce que signifie gagner en politique ou être efficace.

Un livre que j'ai trouvé très stimulant. Il m'a beaucoup parlé parce que j'avais déjà pensé à plusieurs de ces réflexions (par ex : manifester ne sert à rien) sans creuser vraiment le sujet et affronter le tabou de ce genre de pensée (on se dit que si, il faut lutter, qu'on ne peut pas lacher etc, sans penser à changer la façon de lutter). Un des point centraux du livre est de dire qu'il faut distinguer moyen de lutter et moyen de s'exprimer, et qu'on fait souvent le second en croyant faire le premier. Manifester, faire grève, signer des pétitions… c'est dire « je ne suis pas d'accord » en espérant que le gvnt régaisse, mais ce n'est pas lutter dans le sens où ça va faire changer directement les choses. Au contraire, Lagasnerie cite Cédric Herrou et d'autres activistes dont l'action a d'une part changé des choses concrètement dès le départ (pour certains migrants hébergés) et a fini par faire évoluer la loi même en positif. Ces exemples de lutte réussies sont riches d'enseignement (l'auteur parle aussi des luttes LGBT comme inspiratrices car en quelques décennies elles ont réussies à révolutionner la société).

Également j'ai beaucoup aimé les questionnements sur la radicalité. Qu'est ce qu'être radical en politique ? Lagasnerie pointe, à juste titre il me semble, les délires de certains militants (nombreux quel que soit la thématique de la lutte) qui se pensent radicaux parce qu'ils ne font jamais de concession mais qui, se faisant, se condamnent aussi à l'impuissance. Cette posture de radical chic est d'abord un délire égocentré et ne crée pas de changement sur le réel, ce qui devrait d'abord être le but de toute lutte. À l'inverse, des outils de lutte souvent dénigrée sont pourtant très efficaces, si on regarde les faits, comme par ex : pénétrer les institutions en gagnant les postes de responsabilités. Il ne faut pas avoir peur de se salir les mains, en somme, si on veut changer concrètement les choses. La recherche de pureté condamne à rester inefficace.

Citons encore le dégommage en rêgle de la "convergence des luttes" : une pensée féconde et originale, contraire à toute la mode militante autour de cette notion très usitée mais peu réfléchie.

Pourtant Lagasnerie est moins convaincant parfois. On retrouve ses travers habituels pour qui a déjà lu plusieurs de ses livres : un ton snob, un peu donneur de leçon. L'auteur est à mon sens un des penseurs politiques les plus stimulants de l'époque, il en reste quand même agaçant même quand on est d'accord avec lui. Par ailleurs il est souvent trop théorique, et peu observateur du « concret », comme quand par ex il parle du libéralisme en ne s'attachant qu'à ce que disent certains de ses théoriciens et sans regarder les mises en pratique concrètes de ces théories (à ce niveau, je lui conseille d'ailleurs le dernier livre de David Cayla). Mais c'est du détail. C'est un livre utile et intéressant !
Commenter  J’apprécie          60



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}