Un pêcheur découvre, échouée sur la grève, après trois jours de tempête, une jeune fille qui semble avoir réchappé à une grande violence. La voix de la naufragée s'élève, qui en appelle à tous les dieux du Vaudou et à ses ancêtres, pour tenter de comprendre comment et pourquoi elle s'est retrouvée là.
Ce que j'en pense :
Deux récits s'entremêlent, un écrit en italique, celui de la jeune fille échouée sur la plage et l'autre en caractères normaux, consacré à la saga familiale. D'emblée, j'ai été séduite par la langue de
Yanick Lahens qui nous parle d'Haïti, toute en couleurs, ses paysages, ses coutumes, les Dieux vaudous, les rituels…
Elle raconte la dureté de la vie des pauvres à Anse bleue, Orvil qui ne ramène presque plus de poissons alors que la pêche se fait dans des conditions de plus en plus pénibles sur son bateau vétuste.
On retrouve les divinités vaudous, les croyances, le respect des Ancêtres qu'on se doit d'honorer régulièrement, les offrandes de nourritures aux divinités…
Ce pays souffre et on souffre avec lui, mais il y a toujours de la dignité. On sent la présence violente des Duvallier père et fils, et des tontons macoutes. La dictature qui resserre son étau, un des fils d'Orvil s'enfuit alors que l'autre s'engage chez les militaires pour le prestige de l'uniforme, le pouvoir d'écraser les autres, les exactions, les massacres…
Yanick Lahens décrit très bien aussi, les commerçants riches proches du pouvoir telle Madame Frétillon et sa langue de vipère. Les retournements de vestes opportunistes, le rôle des prêtres qui tentent de se faire une place à côté des rites Vaudous.
La nature est de moins en moins respectée, la déforestation rend les sols de plus en plus fragiles, presque désertiques, la bonne terre recule de plus en plus. Et bien-sûr, une question se pose: doit-on rester, et à quel prix, ou doit-on partir cers Saint Domingue si proche ou plus loin? Alors que l'on a toujours vécu dans ce village au nom de carte postale: Anse Bleue?
C'est l'histoire d'une famille où chacun survit comme il peut, d'une terre qui souffre par les hommes, mais qui est si belle, avec la mer si proche, les deux s'entremêlant constamment. Et, on découvrira peu à peu qui est la jeune naufragée…
Ce roman est beau, et se mérite car il faut se familiariser avec le vocabulaire créole, ses mots qui chantent et ce n'est pas toujours simple. J'ai eu de mal à les retenir, de même que les noms des protagonistes qui sont nombreux. Mais, l'auteure nous a fait cadeau d'un arbre généalogique détaillé des Lafleur et celui plus succin des Mésidor, et surtout un glossaire avec la signification de tous les mots employés.
Au début, j'ai fait de nombreux va-et-vient entre la lecture du livre et la consultation de l'arbre ou du glossaire, mais peu à peu on s'habitue…
Les prénoms sont beaux : Philogène, Fleurimor, Faustin, Cilianise, Ilménèse, Altagrâce….
Yanick Lahens nous livre un plaidoyer pour cette terre d'Haïti qu'elle aime et dont nous avons trop tendance à abandonner à son sort, pour les Haïtiens qui se battent pour vivre, survivre, sans s'avoués vaincus, qui ne mangent pas à leur faims et sont meurtris par les éléments autant que par les politiques politiciennes.
Donc, un bon roman bien écrit, mais qui nécessite une attention permanente, (ce qui a été difficile pour moi, vu l'état de fatigue dans lequel j'étais) pour ne pas perdre le fil et qui m'a donné envie de lire un autre roman de
Yanick Lahens et de mieux connaître Haïti et sa culture.
Note : 8/10
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