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Critique de archervert


Lorsqu'il veut expliquer au néophyte qui est ce papy qu'on voit apparaitre dans de multiples rôles-clin d'oeil au sein des films Marvel, le fan de comic books se fend le plus souvent d'un "C'est le créateur (ou co-créateur, si le dit-fan est pointilleux) de Spider-Man, des X-Men, des Quatres Fantastiques, d'Iron Man (rayer la mention inutile)..." Derrière cette présentation succinte se cache en fait l'un des débats les plus passionnés dans le monde des comic books. Stan Lee est une figure médiatique, mais son statut même de créateur est sujet à polémique. A-t-il vraiment créé Spider-Man, les X-Men, les Quatre Fantastiques, Iron Man (rayer la mention inutile)... ? Est-il vraiment celui par qui le succès est arrivé ? La méthode Lee est connue, il s'en est même toujours vanté. C'est lui qui imaginait les grands lignes d'un personnage ou d'un épisode (ce qui pouvait parfois se résumer à quelques consignes orales), à charge pour le dessinateur de les mettre en images. Retour ensuite à Lee qui se chargeait des dialogues. Cette façon de travailler, qui avait le mérite de la rapidité, laissait une énorme lattitude aux artistes. Revers de la médaille, elle jette le trouble sur qui a créé quoi. Jean-Marc Lainé tente de démêler le vrai du faux dans cette monographie.
Des années 40 aux années 60, Stan Lee a scribouillé plus qu'à son tour, au sein d'une multitude de comic books, touchant à tous les genres, du romance comics au western. Il se forge ainsi un savoir-faire qui lui sera fort utile pour donner une identité très nette aux comics de super-héros Marvel. Les super-héros proches du lecteur, partageant ses préoccupations et ses problèmes, son langage et son mode de vie, c'est à Lee qu'on le doit. J.M. Lainé montre d'ailleurs bien à quel point tout ses écrits pré-sixties auront permis à Lee d'infuser un style propre. Les romance comics, notamment, lui auront appris à brosser le lecteur dans le sens du poil, à lui offrir un miroir où il puisse se reconnaitre. Il va aussi lui offrir une communauté d'esprit, avec divers gimmicks comme les fan-clubs, les courriers des lecteurs ou les fameuses tribunes (les Soapbox) où Lee discute à batons rompus, sur un air convivial et entendu. Lainé parle de culte de personnalité, mais on pourrait surtout y voir un as du marketing à l'oeuvre. Plus qu'un auteur, Lee est un éditeur. Il sait humer l'air du temps, trouver les talents et mettre parfaitement leur travail en valeur. En se batissant une statue de commandeur au passage. Surfant sur sa réputation, il se construira une image de "père de Marvel", choississant ses successeurs et profitant pleinement de la notoriété de "ses" personnages, dont il laisse toujours la genèse dans un flou artistique bien pratique (sa fameuse mémoire défaillante).
Pourtant, si Lee a laissé une place énorme aux artistes dans le processus créatif et si il était conscient de leur importance dans le succès de Marvel, il manquera singulièrement de courage lorsqu'il s'agira de défendre leurs intérêts. Aussi bien face à Martin Goodman dans les années 60 que face aux repreneurs de Marvel dans les années 70, notamment dans le conflit qui opposa ces derniers à Jack Kirby lorsque celui-çi voulut récupérer ses planches originales, Lee optera pour des positions oscillant entre le minimum syndical et le silence coupable. Qui plus est, de placards dorés en création de labels sans avenir, les post-sixties de Lee ne seront guère fructueuses sur le plan créatif. de vagues projets de films (avec Alain Resnais), quelques retours sporadiques et sans éclats dans la BD (le SILVER SURFER de Moebius, RAVAGE 2099...), rien qui ne lui permettent de briller. Lui qui révait d'écrire le "grand roman américain" (il avait même garder son véritable patronyme, Stanley Lieber, pour cela), c'est même sa femme qui finira par publier des romans ! Dès lors, une bonne part de la critique révisera ses positions, s'interrogera sur le véritable apport du bonhomme dans la création de cette véritable mythologie moderne.
Dans ce livre, Jean-Marc Lainé retrace donc cette existence consacrée aux comic books. En plus d'utiles repères biographiques qui permettent de brosser un portrait en demi-teinte du personnage, Lainé propose une lecture approfondie des thèmes récurrents dans ses écrits. C'est ansi qu'il dégage un véritable humanisme à l'oeuvre dans ses séries. Stan Lee s'est toujours montré un promoteur acharné de la tolérance et du respect des autres, comme en témoigne ce qui restera son opus maitre, la série SILVER SURFER. Lainé met également en exergue un interessant point, en parlant de l'anti-communautarisme de Lee. Les personnages de Lee veulent s'intégrer et refusent la ghettoisation. Néanmoins, les explications sont parfois un peu floues, puisque Lainé a du mal à décider si les héros marvéliens sont en dehors de la société ou pleinement intégré. Hormis ce point, il faut saluer l'excellent travail de recherches et de synthèse effectué sur cet incontournable (qu'on le veuille ou non) monument des comic books, qui fait de ce livre un incontournable lui-aussi.
Si Lee n'a pas été ce foudre de créativité qu'il a pu prétendre être, il n'en a pas moins été celui qui mis en forme l'univers Marvel et qui l'a promut au rang d'icône de la pop culture. Il laisse ainsi un héritage éditoriale énorme, ce qui n'est déjà pas si mal. Ce que ce livre rappelle avec brio.
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