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Critique de Cemoicricri


J'ai lu avec plaisir et intérêt cet essai sur la lecture à haute voix en petit comité au 19ème siècle et au début du XXe (cette tradition a perduré jusqu'à la Grande Guerre). L'auteur, Vincent Laisney, utilise une méthode qu'il qualifie de pointilliste pour analyser le phénomène, qu'il voit comme « une survivance de la parole vive sous la monarchie de Juillet, le Second Empire et la IIIe République ». Son point de départ est le tableau de Théo van Rysselberghe intitulé « Une lecture », daté de 1903. L'ouvrage commence par une enquête que Vincent Laisney réussit à rendre passionnante sur ce que nous apprend le tableau. Il est entendu que le lecteur, vu de dos, est Emile Verhaeren. Mais que lit-il : poésie, prose... ? Pourquoi lit-il ? D'ailleurs, lit-il ou récite-t-il ? Quant aux auteurs alors célèbres (certains le sont restés plus que d'autres comme Gide et Maeterlinck) qui forment l'auditoire, pourquoi adoptent-ils ces postures ? Qu'attend d'eux le poète ? Quel effet la lecture a-t-elle sur eux ?
Pour répondre, par exemple, à la première question, Vincent Laisney cite Stefan Zweig : « Verhaeren lisait ses poésies en manches de chemise, afin de mieux scander le rythme de son bras nerveux. »
Ensuite l'auteur élargit son propos et dresse un historique de cet exercice auquel se sont adonnés tous les « grands » : Hugo, Lamartine, Musset, Vigny, Chateaubriand, Baudelaire, Balzac, Flaubert, Rimbaud, Verlaine… Il décrit, au moyen de chapitres courts, la façon dont ils lisaient et dont leurs lectures furent reçues, les différentes finalités de celles-ci : stratégie gagnante de Dumas, qui lui permit de connaître le triomphe au Théâtre français avec « Henri III et sa cour » ; venue à Paris de jeunes provinciaux pleins d'espoirs qui espéraient se faire connaître ; moyen de faire tester ses écrits par un cercle d'amis, dont il acceptait les critiques, pour Chateaubriand ; Baudelaire récitant et remaniant éventuellement ses « Fleurs du mal » en fonction des remarques des auditeurs dix ans avant de les publier... Les exemples sont nombreux. A toutes les problématiques, Vincent Laisney tente d'apporter des réponses en se basant sur des lettres, des articles de journaux, des témoignages de contemporains… soit un important travail de recherche.
Beaucoup d'anecdotes, parfois amusantes, sont rapportées : la susceptibilité de Mallarmé, le « saucisson » de Gide ; Leconte de Lisle ayant à subir la lecture de ses Érinnyes par une actrice qui se refusait à prononcer les muets, une mystification, etc. le point de départ, le tableau de Théo van Rysselberghe, n'est jamais oublié. Ainsi, c'est vers la fin du livre qu'on apprend qu'un enregistrement de la voix de Verhaeren existe, et on se surprend à rêver entendre Baudelaire, Hugo, Flaubert… lire leurs oeuvres autrement qu'en imagination.
Enfin, une annexe reproduit quelques extraits ayant été lus en petit comité au cours de la période étudiée, un petit plus sympathique.
Ce livre, qui m'a été envoyé par Les Impressions nouvelles (masse critique), bénéficie d'une mise en page et d'une composition soignées, on peut juste regretter que le tableau qui sert de point de départ à l'étude ne soit pas mieux reproduit et en couleur.

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