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Critique de fanfanouche24


Un coup de poing colossal, saisissant... dont je vais avoir du mal à transcrire l'extrême originalité dans le ton... et la forme !

Un récit d'une épure absolue... composé de 79 court chapitres ...pour tenter d'exprimer les violences sournoises, profondes, indicibles, faites aux enfants...Les dégâts, ruines qui brisent l'élan de construction de l'adulte à venir.
Une infime pudeur, une réserve dans le choix des mots... qui donne d'autant de force à cet écrit de la Douleur...

"Et c'est ainsi qu'en calligraphiant la laideur, j'ai tracé des lignes de vie que je ne connaissais pas. (p. 194)"

Merci à Babelio et aux éditions Belfond pour l'invitation à l'avant-première littéraire Belfond...qui nous a permis la rencontre de quatre auteurs qui m'étaient inconnus, dont Oscar Lalo, que je finis de lire, le coeur et la tête à l'envers....

Une histoire d'enfance dévastée dans l'oeuf...
L'indicible...l'Innommable, enfoui, transfiguré par les mots, un style éblouissant...qui de façon unique relate avec une économie de vocabulaire, ...la démolition d'un petit bout d'homme, en devenir...

Tant d'écrits ont été publiés sur ce sujet...

Je peux avouer... je ne fais pas l'acquisition de ces thèmes dans mes lectures...Et curieusement, en lisant cet ouvrage... des échos intenses et brutaux sont revenus bizarrement à ma conscience: les confidences des plus elliptiques d'une amie très chère , avec qui je faisais mes études de Lettres... dans un vécu et traumatisme très voisins...qui curieusement ne m'a jamais quittée., en pensées...

Je ne voudrais surtout pas oublier de signaler l'esthétique très raffinée de la couverture, en parfaite accointance à son contenu:
-un petit garçon de dos, marche tout seul, portant une petite valise... Représentation en gris et rouge... avec une partie de sa tête...que l'on voit partir en paillettes...Un front, une partie de visage s'émiettant, se défaisant....

"Comment se regroupe-t-on quand on se sent si seul ? (...)
Que fait-on des traces invisibles ? Ce sont ces traces-là qui rendent fou. "(p. 172)

"Je sors de ce coma très particulier où je n'ai cessé d'être éveillé. Eveillé mais impuissant.
Eveillé mais comme anesthésié de la possibilité de me prendre par la main. Suffisamment éveillé pour être le spectateur lucide de mon propre abîme. Car je suis abîmé. Très. Spectateur impuissant mais conscient. Très. Conscient que je ne suis et n'ai jamais été qu'un spectateur. Un spectateur dont tous les sens sont interdits. C'est en cela que je suis dans le coma. Rien ne s'exprime. A part la peur. Une cécité d'un genre à part: je vois tout,
mais je suis incapable d'articuler un mot car je suis convaincu que les autres ne m'entendront pas." (p. 187)

Un texte d'une très belle écriture... qui parvient à éclairer la nuit la plus sombre et la plus ancienne...L'Ecriture qui permet de naître, d 'accepter enfin La Vie, de transfigurer, d'abolir ou du moins d'apprendre à exister, en dépit des ruines...et d'une dévastation originelle...


"...On se bat toute sa vie avec des portes, qu'on ferme même à ses enfants. On brise des couples, le sien d'abord, parce que l'on n'est bien qu'à briser. Il fallait libérer. Par l'écriture, qui sort des doigts. Tant d'années incapable de s'écrire, ce livre a fini par se taper. Il fallait la violence des frappes. Il fallait que les dix doigts s'y missent.
Chacun d'eux avait son mot à dire. Car il suffit que je les pose sur un clavier pour qu'ils se mettent à danser. (...) Ils tapent et je saisis pourquoi j'ai arrêté, cassé, détruit. Ils tapent et je saisis pourquoi j'ai toujours interrompu les femmes qui m'aimaient " (p. 208)

"Comment, si l'aquarium n'existe plus, respirer dans ce monde ? Car sortir de l'aquarium, c'est déposer la mort, c'est la laisser derrière moi. Mon testament est simple. Il tient en trois mots : je vais vivre. Je veux vivre. " (p. 197)

Un écrit bouleversant qui traverse, conjure le silence assourdissant d'un petit garçon, resté si longtemps à l'extérieur de la Vie !

Que l'auteur, Oscar Lalo rencontre avec ce premier livre intense et "vital"... des lecteurs aussi nombreux qu'attentifs...
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