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Critique de AugustineBarthelemy


Piera, Lucia, Déda, Maria Luisa, Tatti, Amanda et Giovanna sont des amies depuis le lycée. Toutes issues d'une classe sociale élevée, elles étaient un groupe d'amies soudé autour de Giovanna et Déda, les deux meilleures élèves, les deux petites reines du lycée qui attiraient tous les regards, attisaient toutes les envies. Toutes étaient promises à un avenir brillant, des carrières professionnelles ambitieuses et une vie aisée.

Vingt ans plus tard, elles éprouvent l'envie de se réunir, d'évoquer les souvenirs, et peut-être de se mesurer : qui a le mieux réussi ? qui est la meilleure ? Et quoi de mieux que de se réunir dans la Villa Camerelle, dans laquelle elles avaient fêté l'obtention du bac (esame di maturità). Et pour réussir cette réunion, l'organisatrice Piera décide que le temps du week-end toutes se passeront des téléphones, pour revivre le bon vieux temps.

Huis clos en Toscane est un thriller sans originalité, très classique et placé sous l'égide du chef d'oeuvre du genre Dix petits nègres. A moins que la fin, assez carnavalesque, place le roman sous le signe de la parodie, jouant avec les clichés du genre.

On le comprend assez vite : toutes ses amies parfaites et cools cachent toutes des rancoeurs sous des sourires d'apparence. Déda ? Elle est comblée par ses deux jumeaux, à presque quarante ans, elle est toujours aussi belle, bien apprêtée, ne manque matériellement de rien et est une brillante maître de conférence. Sauf de l'amour de son mari, qui la délaisse et la trompe. Pour se venger, elle manipule perversement Maria Luisa, sa « meilleure » amie, qui la suit comme un chien. Elle prend plaisir à l'humilier par des pointes acides, des piques amères qui passent inaperçues des autres, mais pas de Maria Luisa, moins belle, moins brillante, un peu alcoolique. Et qui se venge en couchant avec le mari de Déda. Giovanna ? Elle qui attirait tous les regards, elle est maintenant une marginale, cliché typique de la lesbienne vieillissante, qui mène une fausse vie de bohème en dilapidant un héritage immense qui ne risque pas de s'épuiser. Derrière son arrogance affichée et son indépendance flamboyante, elle a besoin de l'attention des autres, elle ne peut vivre sans leurs regards, et ses marques aux poignets témoignent bien de sa solitude. Amanda s'ennuie. Derrière sa superficialité et sa bêtise apparente, c'est une femme qui bénéficie d'une mémoire eidétique et d'une soif de connaissances. Mais en dilettante seulement, elle arrête tout quand l'ennui la reprend. Seules Tatti et Luisa semblent être heureuses : l'une est une avocate qui fait trembler les tribunaux, l'autre est une juge à la réputation redoutable. En bref, ce groupe d'amies est un incroyable panier de crabes, où tout se dissimule derrière des façades souriantes hypocrites.

Même la villa Camarelle est une façade hypocrite. Elle est un personnage à part entière de cette énigme. Vieille demeure du XVIe siècle, avec ses greniers et ses souterrains obscurs et labyrinthiques, ses pierres cachent des histoires sordides. Un touriste allemand retrouvé mort devant la piscine, peut-être assassiné par une jeune épouse pas vraiment éplorée par le drame. Et l'énigme de la mariée et de ses servantes, toutes retrouvées mortes, démembrées et macabrement reconstituées, dont la mémoire se perd à travers le temps mais dont le cadavre ne cesse de flotter dans l'air. Est-ce une servante éconduite qui a perpétré le crime avant de se suicider ? Un amant jaloux qui ne voulait pas de ce mariage ? le fiancé, qui surprit sa promise en plein ébats saphiques avec ses servantes et la tua par dégoût ? Et enfin plane, dans cette atmosphère lugubre, le fantôme de Rita, cette jeune fille éteinte, toujours au fond de classe, dont les six amies n'ont plus aucun souvenir. Une ombre inquiétante s'étend sur cette villa de rêve, et certaines des amies sont saisies d'une vague anxiété, une angoisse diffuse, sans forme.

L'atmosphère du roman est plutôt bien travaillée, mais les réactions des personnages laissent parfois un peu songeur. Quand Piera, l'organisatrice du week-end, ne vient pas, aucune ne s'inquiète, elle a peut-être raté son train, ou alors elle a appris un décès soudain dans sa famille. Puis vient le tour de Déda. Elle disparaît au milieu de la journée, laissant toutes ses affaires sur place mais toutes concluent que Déda est partie parce qu'elle s'ennuyait. Qui part en laissant ses valises derrière lui ? L'inquiétude n'est toujours pas tellement au rendez-vous quand Giovanna disparaît aussi. le malaise ne s'installe véritablement que quand Maria Luisa est introuvable. Là, il vient enfin à l'idée de quelqu'un que quelque chose se passe. Ses femmes brillantes me semblent légèrement obtuses…

Et le finale de l'intrigue est grand-guignolesque. le doute s'insinue chez les trois survivantes. L'une d'elles est forcément la meurtrière. Chacune se surveille du coin de l'oeil, cherche des armes improvisées pour se défendre -mais personne ne songe à partir tout simplement- et toutes refusent de se séparer, évoquant l'exemple des films d'horreur dans lesquels tous ceux qui s'éloignent finissent trucidés. le meurtrier traque ses proies, ne les finit pas quand il en a l'occasion parce que c'est plus drôle comme ça, il faut bien qu'au moins l'une d'entre elles survivent. Les ayant perdues, il décide en toute logique que le mieux, c'est de foutre le feu à la baraque pour mettre fin à ce cauchemar.[...]
Lien : https://enquetelitteraire.wo..
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