Citations sur Fils cherche père, si affinités (25)
Depuis ma naissance, je me suis adapté aux couleurs des autres. Comme un caméléon. J’ai dû me fondre dans le décor des différentes maisons dans lesquelles j’ai vécu, jusqu’à ce que vous veniez me chercher. J’ai eu des chambres de toutes les couleurs et tapissées de toutes sortes de choses.
Ce qui me fascinait, c’était la possibilité d’arrêter le temps et d’immortaliser des bouts d’une vie sur pellicule. En découvrant mon intérêt pour le comptoir de photographie, Maryse et Pierre m’ont offert mon premier appareil. Cette passion ne m’a jamais quitté, mais elle a évolué. Je suis passé du Kodak à l’effigie des Tortues Ninja au Canon professionnel que j’ai reçu pour mes dix-huit ans. J’ai des centaines d’albums photos de moments que j’ai capturés à travers ma lentille, comme pour fixer les instants de bien-être. Ceux que je capte quand plus rien ne me dérange.
Tout est interrelié. Il n’y a pas de hasard, il n’y a que le destin. Il n’y a pas d’épreuves trop lourdes à surmonter, il n’y a que des détours à prendre pour arriver là où l’on doit se trouver, au moment où il faut y être. Même si j’ai eu, moi aussi, de la difficulté à accepter le fait qu’il m’a caché la vérité pendant si longtemps, je peux maintenant affirmer que rien ni personne ne m’empêchera de profiter au maximum de celui que j’ai tant cherché…
J’ai lu beaucoup de livres dans ma vie. Je travaille ici depuis longtemps. Je peux dire que je connais le contenu de cette bibliothèque par cœur. Mais je n’avais jamais lu quelque chose d’aussi puissant et d’aussi vulnérable à la fois. Et je ne dis pas ça parce que c’est mon père. Il vient nous présenter une histoire dont je connais chaque mot, Père cherche fils, si affinités… Je vous demande d’accueillir chaleureusement Pierre Martel!
Je ne suis pas parfait, je ne le serai jamais. Je ne te demande pas de m’appeler papa, puisqu’un bon père n’aurait pas fait vivre tout cela à son enfant. Ce que j’espère, c’est que tu sauras me pardonner et passer pardessus toute cette histoire qui est la nôtre. Quand tu auras à ton tour ton poupon dans les bras, j’espère que tu auras une petite pensée pour moi.
Je regrette tellement ce que je t’ai fait ce jour-là, mon fils. Je regrette de n’avoir pas été assez fort pour te ramener avec moi et traverser cette épreuve qu’on venait de m’imposer, qu’on venait de nous imposer. À la place, je me suis mis à boire et boire encore en espérant que cette douleur s’en irait. Mais au réveil le lendemain matin, elle était bien présente. Ma famille ne me reconnaissait plus. Ils m’ont tous renié.
Jamais en dix-huit ans je n’aurais pu imaginer que mon père biologique était celui qui était venu me chercher à l’orphelinat le matin de mes sept ans. La réponse que je cherchais était tout près, mais me semblait si loin en même temps.
Personne ne se soucie de moi. Ils ne m’aiment pas. Je ne suis pas comme eux. Moi, je n’aime pas la vie. Il n’y a pas si longtemps, j’avais bien l’impression que je n’aurais plus à subir cette scène tous les jours puisque de nouveaux parents m’emmenaient loin d’ici, à Chicoutimi. J’aurais dû me montrer plus coopératif quand venait l’heure de me mettre au lit. Cela les aurait peut-être empêchés de me ramener aussi rapidement à l’entrepôt où l’on me restreint à me taper le chaos de cette heure obligatoire dans la salle de jeux du centre jeunesse.
Mes parents adoptifs n’ont rien pu m’apprendre sur elle. Ni sur mon père d’ailleurs. Ils ne connaissent pas son prénom. Tout ce qu’on a eu le droit de leur dire, apparemment, c’est ce que je viens de vous mentionner. Quand j’ai lu votre dernier roman pour la première fois, j’ai eu cette intuition très forte que vous étiez mon père. C’est inexplicable.
On m’a abandonné lorsque je suis venu au monde. Jusqu’à l’âge de sept ans, je n’ai eu aucun repère. Je vivais dans mes valises, à me promener à travers le Québec. Pas à la recherche d’une famille, mais plutôt à la recherche de deux personnes qui décideraient de me garder pour une période un peu plus longue que la précédente. Jusqu’au jour de mes sept ans, celui où Pierre et Maryse m’ont adopté. Pour moi, ça signifiait très peu à l’époque. Mais maintenant, je me rends compte qu’ils m’ont sauvé la vie. Ils m’ont permis d’avoir un domicile fixe et des points d’ancrage.