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Critique de Amandinegrana


"Dès lors qu'un sujet ne se sent pas reconnu dans la sphère commune, il tend à rechercher cette reconnaissance en investissant les particularités qui le singularisent."

Dans cet ouvrage Samia Langar propose un éclairage de terrain sur la présence de plus en plus marquée de l'islam dans la société française. En choisissant Vénissieux, elle part à la rencontre d'une population à dominante musulmane qui évolue dans une école où les professeurs et les responsables ne viennent souvent pas "du même monde".

L'auteure découpe ses recherches selon trois points de vue : d'abord celui des chefs d'établissement qui constatent certaines dérives liées à la religion mais dont on sent dans le discours la nécessaire temporisation liée à leur poste, tampon entre tous les acteurs de l'école, et leur respect dû à l'institution. Ensuite elle s'intéresse à la vision des enseignants, parfois dépassés par les revendications et contestations auxquelles ils sont confrontés en première ligne. On sent leurs difficultés à assurer leur enseignement et un climat de classe relativement apaisé. Enfin, ce sont les parents d'élèves musulmans qui s'expriment expliquant l'importance que la foi revêt pour eux dans une société dont ils se sentent exclus et toutes les contradictions que cela peut engendrer avec une laïcité perçue comme imposée et stigmatisante.

Cet essai apporte de vraies clés de compréhension de ce qui se joue aujourd'hui dans le visible comme dans l'invisible.
L'islam souvent présenté dans le discours politique comme la cause de tous les maux est finalement bien plus une conséquence de l'échec de la politique d'intégration à marché forcée mise en place depuis des décennies. Dans ce que l'auteure appelle la "requalification" par l'islam c'est une existence dans la société qui se joue. Faute d'avoir pu exister en s'intégrant, on existe en soulignant sa particularité. Je crois que c'est le sens général dans lequel vont tous les témoignages de cette enquête.
Mais il y a dans ce travail de recherches d'autres points qui émergent et qui ont retenu mon attention:
-L'individualisme qui découle de notre société ultra libérale n'est pas sans effet sur cette montée en puissance de l'islam. On ne sent pas de discours communautariste dans les propos des parents mais plutôt des conceptions très personnelles qui ne sont pas toujours compatibles avec la vie en commun. Comme le sont bien d'autres sujets. A trop vouloir s'individualiser on finit par tuer le vivre ensemble.
-Le laxisme dont est taxé aujourd'hui l'enseignement public trouve certaines explications. A force de devoir jongler avec les spécificités de chacun, à devoir "faire le tampon", les enseignants ont bien du mal à transmettre les savoirs. On a l'impression qu'ils sont forcés au consensus en permanence et ce au détriment de leur rôle principal. N'oublions pas que le privé, souvent encensé, n'hésite pas à se débarrasser des éléments "encombrants"... qui atterrissent dans le public. Facile alors d'afficher de bonnes statistiques.

En conclusion, cet Islam de plus en plus visible est à la fois la résultante de causes involontaires: la pauvreté, le manque de reconnaissance, la ghettoisation, mais aussi volontaires dans cette intégration de l'individualisme ambiant.

J'ai trouvé cet ouvrage accessible bien que dense et parfois redondant. Ceci dit, le message qui en découle est on ne peut plus clair. La seule chose qui manque selon moi pour couvrir une vision complète serait le point de vue des élèves. L'auteure n'en n'a pas interrogés. J'aurais été curieuse de connaître leur rapport à la religion.

Je remercie Babelio et les Presses universitaires de Lyon pour cette lecture très intéressante.
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