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Benoît Falaize (Autre)
EAN : 9782729712600
240 pages
Presses universitaires de Lyon (02/09/2021)
3.5/5   3 notes
Résumé :
Depuis une trentaine d'années, les revendications identitaires et religieuses liées à l'islam frappent aux portes de l'école. Comment en est-on arrivé là ? Comment est-on passé d'une mobilisation civique à l'époque des Marches pour l'égalité et contre le racisme (1983-1984) à une mise en visibilité de l'islam (à partir des années 1990), telle que l'école est perçue aujourd'hui par certains comme assiégée ? Cet ouvrage tente de comprendre les raisons et les enjeux de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cet essai est une présentation de la thèse de Doctorat de l'autrice, Samia Langar, qui s'est plongée pour l'occasion dans le milieu éducatif du plateau des Minguettes, quartier politique de la ville de la commune de Vénissieux en métropole Lyonnaise. Dans ce quartier d'où toute mixité sociale et culturelle a disparu, responsables d'établissements scolaires, enseignants et parents d'élèves s'interrogent sur l'avenir des enfants qui y vivent, portant un fort sentiment d'exclusion, de relégation et d'isolement.
L'autrice commence son propos par un retour sur l'histoire de ces quartiers Politique de la Ville, qui furent un temps des lieux d'ascension sociale et de mixité culturelle, avant de voir les familles d'origine italienne ou espagnole ou les classes populaires françaises "blanches" les quitter petit à petit pour ne réunir depuis le début des années 1980 que des familles françaises de culture musulmane et originaires du Maghreb, d'Algérie pour l'essentiel en ce qui concerne les Minguettes.

Samia Langar se tourne alors vers les responsables d'établissements, puis les enseignants et enfin les parents. La thèse de l'autrice, appuyée très largement sur de nombreuses ressources bibliographiques et sur les entretiens réalisés, est que la question de l'islam à l'école n'est que "l'arbre qui cache la forêt" comme elle le dit dans diverses interviews. le sujet de l'islam est d'abord celui de l'exclusion, du déclassement social, des discriminations sociales et culturelles, de la précarité et de la ghettoïsation de certains territoires, de l'absence de toute mixité. Dans ces quartiers, les populations, françaises depuis plusieurs générations, qui sont exclues de l'emploi, des logements ou des stages, en raison d'un nom de famille, d'un lieu de résidence ou d'une différence visible.

Samia Langar s'appuie sur le concept de "reconnaissance", ou de déficit de reconnaissance, développé par Axel Honneth, pour construire son analyse. Ces quartiers en mal de reconnaissance se tournent vers les ressources qui peuvent leur permettre de retrouver la force et la fierté de leur histoire. Quand leurs parents se sont éloignés de la religion et de la culture de leurs aïeuls, et constatant les discriminations qu'ils subissent malgré tout, leurs enfants reviennent avec d'autant plus d'ardeur vers leurs racines, et vers l'islam. Mais pour les familles interrogées ici, il s'agit d'un islam cultivé : les parents, souvent sous l'impulsion des mères, lisent et se forment, assistent à des conférences ou se rendent à la Mosquée pour se former à un islam choisi et adapté aux attentes de chaque famille.

Beaucoup de sujets essentiels sont abordés dans ce livre : celui de la laïcité d'abord, de la place de l'islam dans l'école, le voile bien sûr et la loi de 2004 sur l'interdiction des signes ostentatoires à l'école. La question de l'enclavement et de la précarisation de ces territoires est également prégnante. A la lecture de cet essai, le retour/recours à l'islam des familles et des quartiers ne semble être que la conséquence d'une discrimination toujours plus grande sur certains territoires et de certaines populations. Les revendications (voile, halal, enseignements...) semblent, elles, être marginales, aux dires des responsables d'établissements comme des enseignants (et ce malgré quelques accommodements qui laissent songeurs...) : la préoccupation de tous, parents comme professionnels, est celle de la réussite scolaire, à travers notamment l'accès à une culture d'héritiers. La foi des familles en l'éducation et leur très forte perception des enjeux d'une scolarité réussie, les conduit à mettre en place des stratégies devant concourir à la réussite de leurs enfants, que ce soit dans l'école publique (qui les a pourtant souvent exclus, lorsqu'eux-mêmes étaient enfants), dans des écoles privées catholiques ou des écoles musulmanes. Comme tous les parents, ceux des quartiers populaires rêvent de réussite et d'ascension sociale pour leurs enfants. Mais la confrontation avec la réalité les rend souvent amers et les conduit vers un islam leur permettant de trouver la reconnaissance à laquelle ils aspirent.

Cet essai est passionnant, et ce malgré les nombreuses questions qu'il laisse en suspens.

Le regard de Samia Langar est très intéressant et tout en nuances. Il invite à en lire plus : sa bibliographie me permettra sûrement d'approfondir le sujet.

Merci à Babelio et aux Presses Universitaires de Lyon pour cette bonne entrée en matière.

Dernière remarque : les classes inclusives favorisant l'accueil des enfants en situation de handicap, dont il est fait mention dans le livre, sont des classes ULIS (Unités Localisées pour l'Inclusion Scolaire)... et non Ulysse... (c'est très gênant quand on se réclame des Sciences de l'Education...).
Lien : https://itzamna-librairie.bl..
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"Dès lors qu'un sujet ne se sent pas reconnu dans la sphère commune, il tend à rechercher cette reconnaissance en investissant les particularités qui le singularisent."

Dans cet ouvrage Samia Langar propose un éclairage de terrain sur la présence de plus en plus marquée de l'islam dans la société française. En choisissant Vénissieux, elle part à la rencontre d'une population à dominante musulmane qui évolue dans une école où les professeurs et les responsables ne viennent souvent pas "du même monde".

L'auteure découpe ses recherches selon trois points de vue : d'abord celui des chefs d'établissement qui constatent certaines dérives liées à la religion mais dont on sent dans le discours la nécessaire temporisation liée à leur poste, tampon entre tous les acteurs de l'école, et leur respect dû à l'institution. Ensuite elle s'intéresse à la vision des enseignants, parfois dépassés par les revendications et contestations auxquelles ils sont confrontés en première ligne. On sent leurs difficultés à assurer leur enseignement et un climat de classe relativement apaisé. Enfin, ce sont les parents d'élèves musulmans qui s'expriment expliquant l'importance que la foi revêt pour eux dans une société dont ils se sentent exclus et toutes les contradictions que cela peut engendrer avec une laïcité perçue comme imposée et stigmatisante.

Cet essai apporte de vraies clés de compréhension de ce qui se joue aujourd'hui dans le visible comme dans l'invisible.
L'islam souvent présenté dans le discours politique comme la cause de tous les maux est finalement bien plus une conséquence de l'échec de la politique d'intégration à marché forcée mise en place depuis des décennies. Dans ce que l'auteure appelle la "requalification" par l'islam c'est une existence dans la société qui se joue. Faute d'avoir pu exister en s'intégrant, on existe en soulignant sa particularité. Je crois que c'est le sens général dans lequel vont tous les témoignages de cette enquête.
Mais il y a dans ce travail de recherches d'autres points qui émergent et qui ont retenu mon attention:
-L'individualisme qui découle de notre société ultra libérale n'est pas sans effet sur cette montée en puissance de l'islam. On ne sent pas de discours communautariste dans les propos des parents mais plutôt des conceptions très personnelles qui ne sont pas toujours compatibles avec la vie en commun. Comme le sont bien d'autres sujets. A trop vouloir s'individualiser on finit par tuer le vivre ensemble.
-Le laxisme dont est taxé aujourd'hui l'enseignement public trouve certaines explications. A force de devoir jongler avec les spécificités de chacun, à devoir "faire le tampon", les enseignants ont bien du mal à transmettre les savoirs. On a l'impression qu'ils sont forcés au consensus en permanence et ce au détriment de leur rôle principal. N'oublions pas que le privé, souvent encensé, n'hésite pas à se débarrasser des éléments "encombrants"... qui atterrissent dans le public. Facile alors d'afficher de bonnes statistiques.

En conclusion, cet Islam de plus en plus visible est à la fois la résultante de causes involontaires: la pauvreté, le manque de reconnaissance, la ghettoisation, mais aussi volontaires dans cette intégration de l'individualisme ambiant.

J'ai trouvé cet ouvrage accessible bien que dense et parfois redondant. Ceci dit, le message qui en découle est on ne peut plus clair. La seule chose qui manque selon moi pour couvrir une vision complète serait le point de vue des élèves. L'auteure n'en n'a pas interrogés. J'aurais été curieuse de connaître leur rapport à la religion.

Je remercie Babelio et les Presses universitaires de Lyon pour cette lecture très intéressante.
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Samia Langar est docteure en sciences de l'éducation. Son ouvrage « Islam et école en France » est un ouvrage issu de sa thèse de doctorat. Cette enquête de terrain se concentre sur le territoire de Vénissieux. Après un rappel des événements historiques ayant eu lieu sur ce territoire, la marche pour l'égalité et contre le racisme (rebaptisée « Marche des Beurs » par les médias) de 1983, Samia Langar part à la rencontre d'acteur•ices de l'enseignement.

Avec en toile de fond la philosophie de la reconnaissance d' Axel Honneth, Samia Langar enquête sur ce sujet qui est sur toutes les lèvres : la « question de l'islam » à l'école. La particularité de son approche du sujet est le fait que Samia Langar questionne les premiers•ères concerné•e•s : les dirigeant•e•s d'établissement, les enseignant•e•s et les parents. Ces entretiens compréhensifs laissent transparaître un déficit de reconnaissance.

Certains sujets sont récurrents bien évidemment, comme la laïcité et la loi de 2004 sur les signes ostentatoires religieux. Certaines constantes se dégagent : le rôle joué par les médias dans l'hypervisibilité de l'islam et des musulmans, le cloisonnement et le manque de mixité sociale dans le quartier des Minguettes, qui est regretté par beaucoup d'interrogé•e•s. Samia Langar ne s'en cache pas : le panel d'interrogé•e•s est limité et s'est constitué sur base du bouche à oreille. Peut-être est-ce pour cela que j'ai trouvé le livre assez répétitif, les participant•e•s se rejoignant sur beaucoup de points et restant tout de même assez conventionnel•les.

Mais il s'agit dans tous les cas d'une enquête inédite, innovante, et un apport essentiel pour les personnes s'intéressant aux sciences de l'éducation, à la place de l'islam dans la société et aux droits des personnes musulmanes françaises.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Une identité rassurante, mais qui s'avère être un cercle vicieux : les élèves trouvent refuge au sein même de ce qui les exclut. Le piège se referme. Nous pouvons bien ici diagnostiquer une forme de dérive de la reconnaissance, et même de "pathologie de la reconnaissance" (Honneth, 2006). Au lieu d'accéder à l'estime de soi et à la reconnaissance réciproque dans la sphère sociale générale dont l'école est à la fois la porte et la première marche, ces jeunes trouvent refuge dans l'estime de l'entre-soi d'une culture enclavée, quasi communautaire. [...]dans les beaux quartiers, c'est pareil, mais il y a plus la possibilité d'ouverture. Ceux qui ont beaucoup reçu ont plus de moyens pour s'ouvrir, s'intéresser à autrui, au monde.
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