Cet essai est une présentation de la thèse de Doctorat de l'autrice,
Samia Langar, qui s'est plongée pour l'occasion dans le milieu éducatif du plateau des Minguettes, quartier politique de la ville de la commune de Vénissieux en métropole Lyonnaise. Dans ce quartier d'où toute mixité sociale et culturelle a disparu, responsables d'établissements scolaires, enseignants et parents d'élèves s'interrogent sur l'avenir des enfants qui y vivent, portant un fort sentiment d'exclusion, de relégation et d'isolement.
L'autrice commence son propos par un retour sur l'histoire de ces quartiers Politique de la Ville, qui furent un temps des lieux d'ascension sociale et de mixité culturelle, avant de voir les familles d'origine italienne ou espagnole ou les classes populaires françaises "blanches" les quitter petit à petit pour ne réunir depuis le début des années 1980 que des familles françaises de culture musulmane et originaires du Maghreb, d'Algérie pour l'essentiel en ce qui concerne les Minguettes.
Samia Langar se tourne alors vers les responsables d'établissements, puis les enseignants et enfin les parents. La thèse de l'autrice, appuyée très largement sur de nombreuses ressources bibliographiques et sur les entretiens réalisés, est que la question de l'islam à l'école n'est que "l'arbre qui cache la forêt" comme elle le dit dans diverses interviews. le sujet de l'islam est d'abord celui de l'exclusion, du déclassement social, des discriminations sociales et culturelles, de la précarité et de la ghettoïsation de certains territoires, de l'absence de toute mixité. Dans ces quartiers, les populations, françaises depuis plusieurs générations, qui sont exclues de l'emploi, des logements ou des stages, en raison d'un nom de famille, d'un lieu de résidence ou d'une différence visible.
Samia Langar s'appuie sur le concept de "reconnaissance", ou de déficit de reconnaissance, développé par
Axel Honneth, pour construire son analyse. Ces quartiers en mal de reconnaissance se tournent vers les ressources qui peuvent leur permettre de retrouver la force et la fierté de leur histoire. Quand leurs parents se sont éloignés de la religion et de la culture de leurs aïeuls, et constatant les discriminations qu'ils subissent malgré tout, leurs enfants reviennent avec d'autant plus d'ardeur vers leurs racines, et vers l'islam. Mais pour les familles interrogées ici, il s'agit d'un islam cultivé : les parents, souvent sous l'impulsion des mères, lisent et se forment, assistent à des conférences ou se rendent à la Mosquée pour se former à un islam choisi et adapté aux attentes de chaque famille.
Beaucoup de sujets essentiels sont abordés dans ce livre : celui de la laïcité d'abord, de la place de l'islam dans l'école, le voile bien sûr et la loi de 2004 sur l'interdiction des signes ostentatoires à l'école. La question de l'enclavement et de la précarisation de ces territoires est également prégnante. A la lecture de cet essai, le retour/recours à l'islam des familles et des quartiers ne semble être que la conséquence d'une discrimination toujours plus grande sur certains territoires et de certaines populations. Les revendications (voile, halal, enseignements...) semblent, elles, être marginales, aux dires des responsables d'établissements comme des enseignants (et ce malgré quelques accommodements qui laissent songeurs...) : la préoccupation de tous, parents comme professionnels, est celle de la réussite scolaire, à travers notamment l'accès à une culture d'héritiers. La foi des familles en l'éducation et leur très forte perception des enjeux d'une scolarité réussie, les conduit à mettre en place des stratégies devant concourir à la réussite de leurs enfants, que ce soit dans l'école publique (qui les a pourtant souvent exclus, lorsqu'eux-mêmes étaient enfants), dans des écoles privées catholiques ou des écoles musulmanes. Comme tous les parents, ceux des quartiers populaires rêvent de réussite et d'ascension sociale pour leurs enfants. Mais la confrontation avec la réalité les rend souvent amers et les conduit vers un islam leur permettant de trouver
la reconnaissance à laquelle ils aspirent.
Cet essai est passionnant, et ce malgré les nombreuses questions qu'il laisse en suspens.
Le regard de
Samia Langar est très intéressant et tout en nuances. Il invite à en lire plus : sa bibliographie me permettra sûrement d'approfondir le sujet.
Merci à Babelio et aux
Presses Universitaires de Lyon pour cette bonne entrée en matière.
Dernière remarque : les classes inclusives favorisant l'accueil des enfants en situation de handicap, dont il est fait mention dans le livre, sont des classes ULIS (Unités Localisées pour l'Inclusion Scolaire)... et non Ulysse... (c'est très gênant quand on se réclame des Sciences de l'Education...).
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