Citations sur Histoire du matérialisme et critique de son importance .. (5)
Remarquons bien que sur le même sol était né, pour la première fois en Europe, cet esprit de libre pensée, qu’il ne faut pas confondre avec le matérialisme érigé en système, mais qui cependant a des liens étroits de parenté avec lui. Ces contrées de l’Italie méridionale et particulièrement de la Sicile, où s’épanouissent aujourd’hui une aveugle superstition et un fanatisme effréné, étaient alors le séjour d’intelligences éclairées, le berceau des idées de tolérance.
La doctrine des stoïciens sur le libre arbitre était d’une pureté et d’une netteté remarquables. Pour qu’un acte soit moral, il faut qu’il découle de la volonté et, par conséquent, de l’essence la plus intime de l’homme ; quant au mode suivant lequel la volonté de chaque homme se formule, il n’est qu’une émanation de la grande nécessité et de la prédestination divine, qui règle, jusque dans ses moindres détails, tout le mécanisme de l’univers.
A première vue, on pourrait croire qu’il n’existe pas de matérialisme plus logique que celui des stoïciens, qui regardent comme corporel tout ce qui a une réalité. Dieu et l’âme humaine, les vertus et les passions, sont des corps. Il ne saurait y avoir d’opposition plus tranchée que celle qui existe entre Platon et les stoïciens. Celui-là enseigne que l’homme est juste, quand il participe à l’idée de justice ; ceux-ci veulent qu’il ait dans le corps la matière de la justice.
Cette doctrine a l’air passablement matérialiste, mais elle n’a pas le trait caractéristique du matérialisme : la nature purement matérielle de la matière, la production de tous les phénomènes, y compris ceux de la finalité et de l’intelligence, par des mouvements de la matière conformes aux lois générales du mouvement.
Aux yeux de la foule, le philosophe, même le plus spiritualiste, pouvait être poursuivi comme athée ; car nul penseur ne se figurait les dieux tels que la tradition sacerdotale voulait qu’on se les représentât.
La mythologie, qui se présente à nous, sous les formes riantes et légères, que lui ont données les poètes grecs et romains, n’était la religion ni des masses populaires, ni des classes éclairées, mais un terrain neutre où les unes et les autres pouvaient se rencontrer.