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Critique de MarianneL


«Tu vas mourir, aujourd'hui, et tu ne le sais pas encore. le sauras-tu jamais, même à l'ultime instant ?»

Le troisième roman de Sébastien Lapaque (2009, Actes Sud) débute ainsi, chronique de la mort annoncée d'un jeune homme anonyme. Cet homme, enrichi depuis la disparition tragique de ses parents, a fui Paris pour le Sud de la France. Là, il enseigne l'anglais et mène depuis cinq ans une vie distanciée, loin des passions et de l'ombre d'une famille marquée par des drames obscurs et des colères anciennes.

Dans sa vie étiolée, insouciante de cette issue annoncée à la cause mystérieuse, il côtoie les autres sans s'attacher, même aux femmes, qui semblent belles et vivantes, prêtes au mouvement, telle Caroline, la petite marchande de jouets aux yeux grands ouverts et au corps magnifique, avide de découvrir le monde au-delà du Sud-ouest où elle a grandi, rêvant de vivre à Paris avec cet homme sans qualités. Un des seuls points d'attache du héros est son ami Laroque, un professeur de philosophie qui aime les grandes phrases et le langage cru, écrivain en devenir, obstiné malgré la déception constante qui l'atteint lorsqu'il se relit.

Au fil de ce roman aux faux airs policiers, la chronique familiale se dévoile par morceaux, l'insoutenable aversion et la violence des oncles, groupe de brutes viriles imbibées d'eau de vie et de valeurs martiales, envers un père trop pacifiste, et la menace d'un désir de vengeance radical se précise.

Ce récit laissera sans doute une trace évanescente - à l'image de son héros détaché de la vie et de la mort, et qui laisse s'éloigner ces réalités qu'il a follement «aimées sous les tours des roues dentées du temps» -, mais il est le miroir des difficultés de s'attacher à une vie souvent peu remarquable dans une époque mutante et un monde dévasté, le miroir des regrets pour un monde qui s'en va, malgré l'art de vivre - une des scènes les plus marquantes est celle où le héros cuisine un poulet de ferme en buvant un vin espagnol en compagnie de Laroque -, et où la fin de vie de ce fantôme d'encre et de papier ne s'avère finalement que très accessoire.

«Aujourd'hui la guerre est loin et rien ne peut t'arracher à ta félicité. Tu songes à la chance que tu as dans l'instant, sans prétendre contester quoi que ce soit au destin. C'est drôle, cette capacité soudaine de se tenir le plus loin possible de la réalité. Tu sens quelque chose de régulier et de doux vibrer en toi. Tu penses aux amoureux partout dans le monde, à leurs bouches tendres, aux citronniers aux fruits acides, aux chants des fauvettes, aux bois d'oliviers de Rhodes qui t'attendent cet été. le monde tel qu'il ne va pas ne te tourmente plus, tu serais plutôt porté à en rire. Il te suffit d'observer les panneaux publicitaires : les visages des femmes sont radieux en surface, mais grimacent sous le masque du bonheur parfait.»
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