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Critique de enjie77


« A la fin de la guerre de Sécession, toujours en 1865, la loi américaine accorda le droit de vote et l'égalité civique aux anciens esclaves. Mais douze ans plus tard – et jusqu'en 1964, lors de la signature des « Civil Rights Acts » - la loi revint sur ces droits et divisa la population en deux groupes dans tous les recensements : white or colored. Elle obligea les métis à se déclarer comme noirs selon la « règle de l'unique goutte de sang », qui stipulait qu'un seul ancêtre africain suffisait pour faire une lignée de « gens de couleur ».

Transgresser la loi, se faire passer pour blanc, portait un nom « The passing » et était passible d'une lourde peine voire de la potence.

1898 - Originaires du ghetto noir de Georgetown, la famille Fleet appartient à la bourgeoisie la plus lettrée des communautés noires. Paradoxe surprenant, cette famille afro-américaine au métissage évident, compte une descendance à la peau très claire et aux cheveux couleur de miel. Belle et Russel font une exception avec leur peau plus foncée et leurs cheveux bruns. La ségrégation aidant, les difficultés à exister, il n'en fallait pas plus à ladite descendance de ressentir un désir profond de transgression, de se faire passer pour blanc, malgré l'opposition d'Hermione, la Grandma, « hors de question de trahir son peuple ». Au décès d'Hermione, les dés sont jetés. A l'instigation de sa petite fille Belle Greener, suivi par ses frères et soeurs, contraignant ainsi leur mère Geneviève à les accompagner dans leur mensonge, voire de les guider, ces derniers décident de se créer une généalogie de parents blancs, aux origines portugaises afin de justifier le teint de Belle et de Russel, pour devenir la famille Da Costa Greene.

Passionnant portrait de femme que la destinée de Belle Greener devenue Belle Da Costa Greene. Ce fut pour moi un grand plaisir de lecture que cette biographie romanesque rédigée par Alexandra Lapierre au rythme vif et dynamique. Il faut se replonger dans cette Amérique ségrégationniste du début du XXème siècle, pour imaginer le courage qu'il aura fallu à cette famille, de ténacité, de renoncement – rompre tout contact avec Georgetown – pour enfin pouvoir exister socialement, professionnellement sans jamais trahir ses origines.

Belle se passionne très jeune pour les belles lettres et les beaux livres. Jeune fille déterminée, munie de ses nouveaux papiers d'identité où le mot « colored » n'apparait plus, elle se doit de se penser comme une femme blanche. En juillet 1900, elle s'inscrit à la session d'été d'Amherst College, dans le Massachussetts, au cours de « catalogue ». Dotée d'une intelligence très au-dessus de la moyenne, elle est très vite remarquée et appréciée pour son vif intérêt pour les livres et les enluminures, ce qui lui vaut d'être recommandée comme agent de bibliothèque à l'Université de Princeton. Elle est au paradis. Sa soif de découvrir, son perfectionnisme, sa mémoire des textes, sa capacité d'analyse, sa vitalité, son sens de l'esthétisme, en un mot, toutes ses dispositions, lui permettent d'évoluer, d'amasser une foule de connaissances dans divers domaines. Jeune étudiante, elle peut accéder à de magnifiques bibliothèques où elle contemple, tout à loisir, d'inestimables trésors et participe à des conférences. Elle cultivera ainsi sa passion jusqu'à devenir une femme à l'érudition remarquable. Belle, dotée aussi d'un grand pouvoir de séduction, toujours élégante, possède cette présence qui ne peut échapper à son entourage – « ce n'est pas parce que je suis bibliothécaire que je dois m'habiller comme une bibliothécaire » - Poussé par le neveu du richissime JP Morgan, Junius Morgan qui a remarqué ses talents, elle va se proposer au poste de bibliothécaire du magnat américain qui pressé par ses occupations, ne peut se charger de développer sa propre collection de livres rares.


On assiste à cette rencontre déterminante dans la vie de Belle qui va la propulser au sommet des personnes les plus célèbres dans le monde des Arts et faire d'elle, l'une des femmes d'affaires les plus puissantes. Sans oublier le challenge qu'elle s'est imposée pour être incontournable dans ce monde masculin. Nous sommes au début du XXème siècle!

Avec Belle qui n'a pas son égale pour dénicher et négocier des livres rares, nous pénétrons dans le monde des salles de vente. Ayant eu la chance de pénétrer le monde de Drouot et d'en connaître quelques pratiques, ces passages m'ont enchantée. Je me suis faite petite souris pour mieux pénétrer ce monde des livres d'art et découvrir les ressorts qui animent toutes ces grandes familles américaines du début du XXème siècle.

Roman lumineux, vivant, l'écriture tonique d'Alexandra Lapierre sait happer son lecteur en nous rendant Belle très accessible, très attachante. J'aime ces êtres qui savent défier leur destinée, j'ai admiré Belle, et malgré sa force de caractère, je me suis surprise à ressentir la peur que son secret puisse être découvert. John Pierpont Morgan fascinait Belle, très attachés affectivement l'un à l'autre, un peu comme un père et une fille, l'auteur nous trace un portrait achevé de cet homme.

Je vous laisse découvrir cette biographie passionnante et très enrichissante. Alexandra Lapierre s'et basée sur la correspondance de Belle. Toutes les personnes nommées dans ce livre ont bien existé, c'est un travail qui lui a pris trois années d'enquête. L'auteure a respecté tous les faits à sa connaissance, nul besoin d'inventer, la vie de Belle se suffit amplement. Vous découvrirez en fin de livre des photographies de Belle ainsi que des pages annexes concernant les différentes personnes rencontrées dans ce livre. Je vous souhaite une excellente lecture en cette période tourmentée, ce fut pour moi une véritable bouffée d'oxygène !

Je tenais à remercier @Fanfanouche24 et @Zephirine pour leur billet qui m'ont fait découvrir une héroïne hors du commun !





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