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Critique de chichi_zibest


On ne peut avoir un avis éclairé sur ce livre sans connaître un minimum la vie de son auteur et le contexte de l'oeuvre.
L'écrivain Jean Lartéguy s'est engagé à 19 ans comme volontaire en 1939 dans l'armée française, puis une fois la France défaite et occupée il rejoint L'Espagne où il sera interné pendant 9 mois. Après une brève formation militaire, Lartéguy incorpore les commandos d'Afrique, pour terminer sa carrière 7 ans plus tard comme capitaine, plusieurs fois décoré : Légion d'honneur, croix de guerre 1939-1945 (deux étoiles de bronze), croix de guerre TOE (une étoile de vermeil) avec quatre citations supplémentaires, croix du combattant volontaire avec agrafes « 1939-1945 » et « Corée ». il sera ensuite reporter de guerre pour Paris-Match, témoin des nombreux conflits qui marquèrent cette époque.
Le roman est écrit en 1959, quasiment 3 ans avant les accords d'Evian qui scelleront le destin de l'Algérie, jusqu'alors département français, et de la France. L'oeuvre a donc été écrite alors que la tragédie algérienne avait cours. Si l'indépendance était inéluctable pour Paris, il en allait tout autrement sur place, où cette issue équivalait à une trahison pour les pieds-noirs et une portion de l'armée française. C'est là ou se rejoignent les thèmes majeurs du roman, où les officiers parachutistes, ‘ayant vu l'armée passer son temps à foutre le camp depuis 1940' (comme le disait Hélie de Saint Marc), sont appelés en dernier recours pour redresser la situation qui semblait perdue. le paroxysme de la violence et de la cruauté étant la bataille d'Alger, où la victoire Française emportée par le Général Massu ne changera pas le destin. Ces parachutistes ou Centurions, seront trahis. Et de là naîtra une révolte de l'honneur contre le pragmatisme politique, incarné par l'OAS, le roman s'arrêtant à la victoire de la bataille d'Alger.
Je retrouve dans les Centurions les visages de Roger Vandenberghen, Hélie de Saint Marc, et bien sûr Bigeard. Leur force est d'avoir vécu ensemble la guerre d'Indochine et les camps de rééducation Viet-Minh. Ce passé les rassemble dans le refus de la défaite en Algérie, l'opposition au communisme dont les promesses universalistes ne sont que des mensonges annonçant la dictature brutale de la déshumanisation de l'homme. Ils sont tous séparés en esprit sinon en corps de leur famille demeurée en France, incapable de les accueillir tels qu'ils sont revenus de l'Indochine : profondément transformés, éloignés d'une vie civile qui ne répond en rien à leurs attentes. Ces hommes sont désadaptés, et prendront le commandement d'une unité de parias, pour en faire la plus méritante de la guerre. Ils accepteront le sacrifice de leur conscience, jusqu'à torturer les terroristes, pour gagner, alors que Paris refusait de se salir les mains. Leur relation sera limitée à des passions avec les femmes pied-noir ou autochtones, sans doute étant plus aptes et enclins à comprendre les hommes qu'à connaître l'histoire.
Les Centurions nous éclaire très bien sur l'aspect passionnel de cette guerre d'Algérie, vue par les militaires français. La lucidité de Lartéguy est indéniable, notamment sur la nécessité de gagner une population pour l'emporter dans un conflit, et sur les moyens nécessaires pour y consentir, quitte à oublier le respect des droits de l'homme et plonger dans la terreur. Anti communiste fervent, on retrouve aussi son aversion pour la duplicité des hommes politiques, faisant croire au maintient possible de l'Algérie dans la France, alors que le sort est déjà scellé. Ce livre témoigne d'une époque révolue, qui pourtant nous instruit d'une façon certes subjective sur ce drame dont les plaies ne sont toujours pas cicatrisées 60 ans après les accords d'Evian. On peut classer à tort ce roman comme témoin d'une époque révolue, et je reconnais que la place des femmes y est très critiquable, mais ce serait ignorer en qui le passé peut nous instruire. La question qui demeure essentielle pour moi est jusqu'à où accepter la soumission à une force qui s'oppose à nos valeurs ? Et lorsqu'on s'y oppose, quels sont les moyens légitimes à employer ? Je n'oublie pas que N.Mandela dans ses mémoires répond à cette question. On doit être inflexible, quitte à lutter avec des moyens inégaux et terroristes face à un pouvoir tyrannique. Ce qui ne l'a pas empêché de recevoir le prix Nobel de la Paix.
Malheur aux vaincus.
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