AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Franz


Don Quijote de la Mancha
Dans le triangle manchois des Bermudes que constituent l'archipel des îles Chausey, les Écréhou et le plateau des Minquiers, Edouard Launet, navigateur souvent solitaire, dresse une cartographie amoureuse et pointilleuse des îles anglo-normandes. Après un chapitre introductif racontant l'épiphanie vécue par l'auteur âgé de 16 ans le 3 avril 1974 : « […] un royaume de roches à fleur d'eau appelé plateau des Minquiers… Il s'agit d'un maquis de cailloux et de mer grand comme l'agglomération de Marseille, quoique plus sauvage… C'est à l'instant précis de cette entrée dans ce chaos de rochers, qui me fit monter dans le dos des frissons de peur et de fascination, qu'une partie de mon existence a, je crois, basculé dans une forme d'irrationnel », Edouard Launet démarre sa « croisière circumarchipélique » avec les îles Chausey. Il est immédiatement passionnant. Après avoir versé son tombereau de clichés pourtant sidérants quand on y songe un instant, il attaque sur l'espace et le temps dans l'archipel chausiais. Quand il y adjoint un dialogue entre Hugo père & fils, un délectable frisson gagne le lecteur pour ne plus le quitter tout au long de l'ouvrage et du voyage. A chaque escale, le navigateur s'octroie une maison idéale. A Chausey, il choisit le sémaphore mais il aurait tout autant pu prendre possession de la maison du peintre Marin-Marie. Dans le 3e chapitre, l'auteur aborde le mythique plateau des Minquiers : […] ces cailloux acérés dessinent un vaste champ d'étoiles… ». Etendue évanescente évitée par les marins et qui « s'évanouit dès qu'on ne l'a plus sous les yeux », les Minquiers à marée basse s'exposent sur trois cents kilomètres carrés. Des marins ont construit une « dizaine de maisonnettes en granit » serrées sur Maîtresse-Île, un caillou de 50 mètres par 20 mètres que les lames balaient les jours tempétueux. Après Jersey, on accoste aux Écréhou, sans habitant permanent mais l'auteur narre la vie ahurissante d'Alphonse le Gastelois vivant quatorze ans sur l'îlet de la Marmotière aux Écréhou, fuyant la vindicte jersiaise où l'homme paisible mais solitaire et original était accusé à tort d'agressions sexuelles sur mineurs ou encore la vie d'ermite de Philippe Pinel sur Blanche Île de 1848 à 1898. Viennent ensuite Guernesey, Sercq, Brecqhou, Jéthou, Aurigny, Herm et enfin La Cité, à Paris où l'auteur réside. Connaisseur des hommes et des lieux manchois, Edouard Launet sait aussi aviver son carnet de bord avec son histoire personnelle en l'émaillant de brèves citations bienvenues. Une carte sommaire en début d'ouvrage [mais les lieux mouvants et hantés sont rétifs à toute cartographique définitive] situe utilement l'archipel de la Manche. Il n'y manque qu'une bibliographie sélective, fouillée et commentée pour étayer une vision ancrée dans un monde changeant, évanescent et transcendant.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}