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Critique de Blok


Attention chef d'oeuvre, hélas presque inconnu.
Je le déplore, car c'est l'un de mes livres préférés, et je tiens son auteur pour l'un des plus grans écrivains du vingtième siècle.
Paru en 1948, il n'eut aucun succès car à contre-courant des modes de l'époque; il fut publié en même temps qu'un autre livre de l'auteur, Caroline Chérie, signé Cécil Saint-Laurent, et premier d'une série de romans historiques qui rencontrèrent un grand succés jusqu'à la fin des années 60. Si les romans de Cécil Saint-Laurent n'ont rien de déshonorants et sont même très supérieurs à la majorité des romans historiques, car bien écrits et comportant un minimum d'erreurs eu égard aux standards du genre, ils ont eu le grand tort d'empêcher Jacques Laurent d'écrire pendant plus de vingt ans (il est vrai qu'ils lui rapportèrent pas mal d'argent)
Et puis Jacques Laurent ressuscita en 1971 avec la parution des Betises, qui bénéficia à la surprise générale d'un accueil favorable de la critique (l'auteur était mal pensant et cela contribua à sa longue éclipse, autant et plus que le "mauvais genre" des productions de Cécil) au point qu'il obtint même le Prix Goncourt (eh oui, personne ne peut se tromper tout le temps.
Jacques Laurent écrivit par la suite une demi-douzaine de volumes, excellants d'ailleurs, notamment Les sous-ensembles flous et le miroir aux tiroirs.
Néanmoins Les Corps Tranquuilles reste son plus grand livre, et h&las le plus difficile à trouver.
Bien que réédité plusieurs fois après la parution des Bêtises, il n'en existe aujourd'hui aucune édition disponible en librairie. On peut heureusement, le trouver facilement d'occasion et à un prix modique sur Internet.
Par parenthèse, grâces soient rendues ne serait-ce que pour cela à cette invention qui fait entre autre chose le bonheur des amateurs de livres épuisés, surtout quand on pense à la triste époque pré-web où ces ouvrages devaient faire l'objet d'une traque fastidieuse et pas toujours payée de retour chez les bouquinistes.
Venons-en au fait.
Ce livre est bien difficile à définir car c'est pusieurs choses à la fois, et il n'est pas racontable; on peut seulement le lire, le relire, et le lire encore; c'est ce que fais réguliérement depuis cinquante ans, avec peut-être une douzaine d'autres ouvrages assez éclectiques, et parfois même mauvais genre
Mais essayons quand même.
D'abord c'est un livre total (quoi que cela puisse signifier, mais c'en est un)
C'est un portrait de l'année 1937 (exactement devant la période comrpise entre le printemps 1937 et le printemps 1938) à travers les vies entremêlées d'une douzaine de personnages principaux, dont la plupart sont réunis au départ par un improbable Institut de lutte contre le suicide créé pour des raisons obscures par un milliardaire portugis qui n'existe d'ailleurs peut-être pas.
Ce portrait est à la fois totalement ressemblant et totalement déconnecté de l'année 1937 telle que nous la voyons à travers les livres d'histoire.
Mais justement: en 2022, qu'est-ce qui a vraiment compté le plus pour vous? La guerre en Ukraine ou les péripéties de votre vie personnelle? Eh bien les personnages des Corps Tranquilles sont comme vous, et c'est pour cela qu'ils vous en disent infiniement plus sur la vérité de la France de l'entre-deux- guerre qu'un roman historique qui vous trainerait de Madrid à Munich en passant par un certain nombre de capitales européennes,à tel point qu'on se surprend à penser qu'on a soi-même vécu l'année 1937
Les personnages sont profondément originaux et totalement vraisemblables; à la fin du livre, on a l'impression de les connaître tant l'auteur réussit à les peindre et à nous faire partager leurs vies inimitables et leurs pensées intimes, au point qu'on regrette que le livre ne fasse pas mille pages de plus, et que lorqu'on le referme, on soit sûr qu'on le relire un jour. On le relit d'ailleurs, et, comme dans toutes les grandes oeuvres, on y découvre quelque chose de nouveau à chaque lecture
Je viens de le relire d'ailleurs, d'où cette critique.
Et le héros? Il n'y a pas de héros. Cependant, parmi les personnages principaux, il y e na peut-être un plus principal que les autres; il s'agit d'Anne Coquet (*), aimable ludion, enpartie avatar de l'auteur, qui y a mis beaucoup de lui, mais pas tout, et en a mis aussi dans d'autres personnages je ne vous dis pas lesquels et pouruoi, vous lirez tout cela. Anne Coquet est un peu à Jacques Laurent ce que le narrateur de la Recherche est au cher Marcel; la comparaison paraître sacrilège à certains, le Proustien que je suis peut le comprendre, et pourtant elle ne l'est pas.

(*) Depuis Anne,ou Annas, grand prêtre du temple de Jérusalem et beau-père de Caïphe, Anne est aussi un prénom masculin, porté par divers personnages de l'histoire de France, dont Anne de Montmorency, Connétable de France.
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