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Critique de Enroute


Félix Arpeggione doit quitter son grand appartement dont le loyer est devenu trop cher depuis qu'il s'est fait largué. Romance Délie lui propose la colocation, qu'il accepte non sans arrières-pensées. Malheureusement, elle entretient avec lui des rapports qui ne laissent pas de place à son imagination. Un soir, il rentre amoché et son état pitoyable engage Romance à le soigner…

Le roman joue avec les clichés : celui de l'homme raté, bourru, célibataire et mal léché, mais en mal d'amour, et de la femme stricte, cassante, qui réussit sa carrière, et terriblement séduisante. C'est conventionnel, mais c'est volontaire, comme le révèle le traitement de la narration. Il vise à poser le cadre d'une histoire banale tout en révélant cette particularité que l'histoire devient personnelle et unique quand c'est vous qui la vivez.

La narration se fait à la troisième personne du singulier (« il ») et pourtant on se sent dans la peau d'Arpeggione, un garçon pas très compliqué, pas très débrouillard non plus, dans un jeu entretenu par l'auteur sur l'artifice évident de son roman : il interpelle le lecteur en utilisant le « nous » ou le « vous », et prend même la liberté d'intervenir lui-même dans la narration (« je suis en super forme moi » dit-il après une phrase particulièrement lyrique).
L'utilisation du « il » objective d'ailleurs le récit créant un point de vue à mi-chemin entre la situation particulière du personnage et les généralités de ce type de situation, accentuant le jeu établi sur la convention des faits relatés (il ne s'agit jamais que d'un homme qui vient de se faire larguer et cherche une relation… avec sa colocatrice).
Cette « demi-objectivation » du récit est source de beaucoup d'humour : au travers d'ellipses, de détournement de sens, mais également au travers des échanges verbaux. Souvent conventionnels car dictés par la nécessité de la vie sociale, leur contenu est souvent banal. Comment alors les insérer dans le récit ? Eric Laurrent a trouvé la solution : ils ne les annoncent pas, insèrent les phrases telles quelles dans le récit. le jeu continue : s'agit-il des paroles telles qu'elles ont été prononcées, d'une reformulation, ne s'est-il rien dit entre les phrases retranscrites ? le lecteur sait qu'il manque des « bonjour » et des « au-revoir » et donc beaucoup d'autres choses que le narrateur lui passe sous silence : il peut imaginer à loisir les situations d'échange verbal avec tout ce que ce traitement introduit de vivacité, de réalisme, mais aussi de distance et donc, d'humour. Tout cela s'achève dans un amphigouri savant pourtant parfaitement limpide pour Romance sur le fond et pour le lecteur sur la forme, bien que le discours soit rapporté et non direct.
On s'attache aux personnages, capables de s'effacer quand la banalité de leur vie les rend inintéressants et capables de hausser leur niveau de vivacité quand l'urgence l'exige. C'est léger drôle et séduisant. En plus, on apprend du vocabulaire.
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