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Critique de vibrelivre


De Gaulle et les philosophes
Bruno Lavillatte
Essai
Ed. Ocrée, 2020, 107 p


Alors que j'entreprends la lecture de l'essai, j'entends parler à plusieurs reprises de De Gaulle, homme politique, homme de discours (dont Pétain avait horreur), ce qui fait qu'on croit que le libérateur de la Corse, c'est lui (Henri-Christian Giraud) et dont les ministres étaient presque tous des collabos, sans que cela choque personne (Cécile Desprairies). Dans l'essai, on voit un De Gaulle qui se voulait avant tout philosophe, plus que militaire et homme politique, parce qu'il avait des choses à dire à ses contemporains, et se dessiner la figure du chef, du héros, du génie, qui saisit l'esprit nouveau, a un caractère qui exerce fascination et magnétisme, sait prendre des initiatives, discerne sous une réalité partielle une réalité globale, autre et stable, et use du contingent -ce qui aurait pu ne pas être ou aurait pu être autrement- comme d'une nécessité où se déploie sa liberté : il a l'intuition (il n'est pas encagé dans ce qu'il a appris) des données immédiates du réel (sous lequel se cache une autre réalité) et la volonté de les reprendre pour le contraindre à devenir événement, et d'agir par le mouvement et la surprise et l'audace, pour miser sur le mystère de l'inconnu) de façon à s'en rendre maître. le chef est assurément d'une trempe supérieure, et a l'ardeur latente de jouer le rôle d'où sortent les puissantes capacités.
En France, les philosophes connus et enseignés sont les grands philosophes allemands. De Gaulle veut un philosophe français pour représenter la France. C'est Bergson. De Gaulle est un homme de pensée et d'action, Bergson, par sa pensée, permet d'agir. Il analyse le mouvant, caractéristique des champs de bataille où règnent l'imprévu, l'imprévisible, le mobile. L'intelligence rationnelle fige les idées. le chef militaire lui préférera l'instinct qu'il appuiera ensuite par l'intelligence qui est organisation du savoir, qui oriente vers la synthèse, qui embrasse un grand nombre de choses. L'instinct associé à l'intelligence conduit à l'intuition qui est la vision immédiate des choses et favorise la création. le chef militaire regarde l'avenir et crée de nouveaux moyens de combattre en misant tout sur la mobilité. Il faut également créer une armée d'élite et favoriser son aptitude aux missions inattendues.
Certes Pétain avait déjà compris la nécessité de la mobilité, mais De Gaulle va plus loin en préconisant l'utilisation de chars d'élite, ce qui convainc totalement les militaires ennemis, tandis que les militaires français mettent du temps à accepter cette vue des choses.
De Gaulle a toujours en tête l'élan vital, de cette vie qui bouge sans cesse. Aussi, penser, c'est penser les relations entre les choses sous l'éclairage fécond de l'intuition et de la méditation. C'est atteindre à cette philosophie supérieure, d'où procède l'ampleur des vues. Il a bien lu Boutroux, un précurseur dans un certain sens de Bergson, et sa thèse de doctorat, soutenue en 1874, qui traite de la contingence des lois de la Nature et son livre Science et Religion. Selon Boutroux, la contingence montre la présence d'un ordre supérieur. Elle est donc métaphysique, sinon presque sacrée. De Gaulle sait que c'est sur le champ de bataille, où s'affrontent l'élan vital et le combat pour perdurer dans l'être et le faire progresser, que se conjuguent l'instinct et le don particulier des grands chefs de se confronter aux réalités et de les dominer. Seul le dépassement de soi permet l'approche morale et métaphysique de l'action sur soi et de soi sur le monde. A la suite de Boutroux, Kant dit que l'univers doit offrir du contingent pour que se manifeste la liberté humaine dans la conscience humaine et aussi dans la réalité cosmique. le chef et surtout le héros manifestent la force de la créativité humaine et se font artistes de la vie. Ils font de leur vie un destin
De Gaulle trouve dans la guerre les moyens et les fins de redonner à la vie sa noblesse et sa grandeur. Il faut résister à l'insoutenable attrait de l'inférieur. Il met au point ses réflexions après avoir été blessé grièvement, au point de ne pas comprendre qu'il soit encore en vie, et donc dès 1916.
L'essai vaut la lecture qui insuffle de l'élan vital.
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