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Critique de brumaire


C'est dans une vente de livres d'occasion (50 ctmes d'euro le livre ! ) que j'ai acheté "La matrice" ," The mint" en anglais ( qui signifie également "menthe" - j'en perd mon latin ). C'est bien sûr le nom de Thomas Edward Lawrence, Lawrence d'Arabie, qui me décida a ajouter ce livre de poche édité en 1966 à la pile déjà conséquente de mes achats. (20 livres de poche : 10 euros ! ).


Pour un lecteur, babélien ou non, qui n'aurait pas lu les Sept piliers de la sagesse , ou qui n'aurait vu que le film de David Lean, La Matrice (titre donné par le traducteur Etiemble) , n'offrira qu'un passable intérêt ; juste un documentaire sur la formation des futurs aviateurs de la RAF en 1922. Formation semblable à toutes les armées du monde : nier l'individu pour mieux mettre en avant l'esprit de corps. Rien de nouveau sous le soleil et je dirai même cyniquement que c'est la condition sine qua none d'une bonne armée. Enfin d'une armée victorieuse.....car les défaites questionnent toujours les causes et les juges du lendemain ont vite fait de trouver que les conditions de formation n'étaient jamais assez dures.

Ce livre doit être replacé dans la biographie de Lawrence. Après l'armistice de 1918 et les accords Sykes-Picot qui établissent un nouveau découpage du Moyen-Orient ( je simplifie, les choses ont été plus compliquées...) , Thomas Edward Lawrence , simple officier de liaison mais instigateur de la révolte arabe contre l'Empire Ottoman (qui était allié de l'Allemagne) , se retrouve démobilisé. Et déçu. Son ambition de créer un Royaume hachémite unifié se heurta à la "réalpolitik" des" victorious powers". Tout cela se trouve dans ce chef-d'oeuvre qu'est "Les sept piliers de la sagesse" (que j'ai essayé de retrouver dans ma bibliothèque -en deux tomes chez Payot- mais vainement ; vendus ? donnés ? je ne peux le croire tant j'avais aimé ce livre, alors certainement égaré dans un déménagement....).
En 1922 il s'engage dans la RAF sous un faux nom : Ross. Il a 34 ans . C'est le sujet de "La matrice". C'est donc un "Lawrence d'Arabie" profondément désenchanté qui intègre " l'école du soldat" , les "classes" simplement pour le bidasse français ; "désireux surtout de s'avilir à jamais , par une sorte de suicide mental..." comme le dit très bien l'avant-propos du livre.
Je crois ( j'écris en pensant au babelien François Sarindar grand connaisseur de Lawrence , je marche sur des oeufs....) , que l'on ne peut pas comprendre le propos de " The mint" si on n'intègre pas les aspects les plus singuliers de la personnalité de l'auteur. L'épreuve qu'il s'est imposé en repartant de zéro peut se voir comme une rédemption ou tout simplement comme un pari nihiliste de destruction du moi. Il va être servi car la formation des futurs aviateurs , avant qu'ils ne s'envoient en l'air, est la même que celle des troufions novices de tous les pays : obéir. Se fondre dans un moule, dans une matrice. le soldat Ross expérimentera les affres d'une dure discipline avec un zèle masochiste qui en dit beaucoup sur T . E Lawrence.
Ecrit dans un style "rhapsodique" qu'accentue certainement la traduction d'Etiemble (j'y reviendrai...) , "La matrice" n'est pas un "livre plaisir". La litanie des jours , qui se suivent ...et se ressemblent, n'incite pas à la bibliophagie ! et pourtant... Quand il veut bien s'évader des contingences militaires, on retrouve le poète des "Sept piliers de la sagesse", notamment dans les descriptions de paysages, dans un raccourci saisissant, dans un dialogue surréaliste .
Un aspect intéressant également, et sociologiquement parlant : la césure entre l'auteur, issu d'un milieu bourgeois et cultivé, diplômé d'Oxford, grand lecteur, et la masse de ses compagnons plutôt originaires de la "working class" , friands de foot , de bouffe , et de sexe. Toute proportion gardée c'est ce que j'ai vécu pendant mes classes de parachutiste en....il y a longtemps. Non, je ne suis pas issu de la bourgeoisie (ou alors la petite...), mais j'étais déjà un grand lecteur, et ouvrir le soir dans la chambrée , les Mémoires d'Outre tombe, ça en jette quand vos voisins feuillettent Lui ! à condition de rigoler avec eux, quand même, de leurs blagues de cul....C'est d'ailleurs pour donner le change que j'ai lu tant de SAS à l'armée :-) Bon, je m'égare...

Un petit mot de la traduction d'Etiemble.
Etiemble, grand universitaire français, spécialiste de littérature comparée, sinologue, et...pourfendeur du "franglais" (un mot qu'il inventât ). Presque à chaque page une petite note de lui pour se justifier de l'emploi du terme français pour la traduction du mot anglais. C'est lassant. Je veux bien croire que le vocabulaire employé par Lawrence fait la part belle au langage parlé difficilement traduisible, mais une traduction moins littérale aurait assouplie la lecture de l'oeuvre de Lawrence (qui, rappelons le, est à l'origine une suite de notes décousues).
Petite curiosité : Lawrence parle à deux fois dans son livre de "football" . Etiemble écrit "futeballe" . Si !







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