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Critique de berni_29


Ce soir je voudrais vous parler d'un livre insaisissable. Mais qu'est-ce qu'un livre insaisissable ? Est-ce un livre qu'on sort de sa bibliothèque et qui brusquement glisse des mains comme une savonnette sous la douche ? Ou bien peut-être serait-ce un livre, qu'une bibliothécaire bien inspirée au sein de ma médiathèque préférée, tendrait du haut de ses deux mètres vingt, de sa main tout aussi inspirée au-dessus de ma tête en me disant: « allez, Berni, viens le chercher ! »
Alors, je suis allé le chercher sans entrave, d'autant plus que c'est une amie brestoise de notre chère communauté de Babelio que je fréquente régulièrement en tête-à-tête devant un thé ou une bière, qui me l'a conseillé et même offert, livre issu d'une librairie solidaire de Brest et qui devrait continuer de cheminer de la même manière. Grand merci Isa (Isacom pour les Babeliotes).
Station atomique est un roman écrit en 1948 par un certain Halldór Laxness. Si vous allez chercher à quoi il ressemble sur Babelio, vous tomberez sur un type au visage hilare. J'adore. Halldór Laxness a reçu le prix Nobel de littérature en 1955. Respect.
C'est un roman marqué par tant de singularités.
J'ai été tout de suite pris en empathie par le charme désuet de la personnage principale, comme si elle était déjà une amie. Elle s'appelle Uggla. Elle m'a accompagné durant toute cette lecture.
Et ce qui m'a agréablement étonné fut cet écrivain qui donna sa voix à cette jeune femme. Et quelle voix !
Nous sommes en Islande, dans les années qui suivent la fin de la seconde guerre mondiale. le titre évoque le climat de la guerre froide qui s'ensuivit. La menace de l'arme atomique. À cette période, l'Islande fut un territoire qui représentait un enjeu stratégique sur le plan géopolitique, en particulier pour les États-Unis qui avaient des convoitises pour ce territoire. D'ailleurs, le premier ministre Islandais d'alors était prêt à leur "vendre" son pays...
Uggla, une jeune femme originaire des rudes vallées du nord, est engagée comme domestique dans une des plus riches et influentes familles bourgeoises de Reykjavík. D'ailleurs, la famille est celle d'un député, plus précisément député conservateur, mais son épouse l'ait encore plus que lui...
Lorsque Uggla descend de ses collines ancestrales pour aller vers la capitale, elle est encore hantée par les sagas, ces contes mythologiques qui forgent depuis sept cents ans l'univers des Islandais.
Uggla vient chercher un emploi qui lui permettra de financer la reconstruction d'une église, celle pour son père, pasteur là-bas. C'est aussi pour elle l'occasion de parfaire son éducation et d'apprendre l'orgue.
Uggla va découvrir un nouveau mode de vie et se confronter aux inégalités sociales de son pays. Mais ce serait injuste que de réduire le roman à ce seul aspect.
La richesse du roman réside dans ses variations autour de ce joli personnage qu'est Uggla, jeune fille généreuse, attachante, sa candeur permet d'explorer des univers qui lui sont totalement inconnus. Grâce à cette candeur, l'auteur pose un regard détaché sur des sujets de fond, qui touchent l'Islande d'alors, mais aussi le monde d'aujourd'hui.
Insaisissable, ce roman l'est, tout autant qu'Uggla.
Lorsqu'elle comprend les choses, elle s'étonne et s'indigne. J'aime les personnages qui s'étonnent et s'indignent. Dans la vraie vie aussi...
Uggla est belle lorsqu'elle s'indigne contre les puissants, les religieux, les politiciens, les hommes avides de désir...
De temps en temps, le roman prend un pas de côté vers des personnages invraisemblables que l'on pourrait croire issus de l'imaginaire d'Uggla, issus des fameuses sagas, un poète atomique appelé « Benjamin », un professeur d'harmonium, un jeune et beau dieu qui s'appelle « Brillantine », séducteur et charmant. J'ai aimé les dialogues entre ces personnages, des échanges profondément poétiques et rattachés aux grandes questions de l'existence.
J'ai aimé le discours engagé qui se faufile dans le récit, sur les questions sociales, politiques, religieuses...
Il émane de ce récit un très grand humanisme, une bienveillance pudique, mais chaleureuse.
Insaisissable est le mot, comme le destin d'Uggla, éprise de générosité. Est-ce un roman réaliste ? Je continue de me le demander, mais cela n'a peut-être pas d'importance...
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