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Critique de ODP31


ODP31
28 février 2021
Sortez les parapluies. Il pleut sur Bordeaux. Ce n'est pas un scoop, foi (mauvaise) de toulousain. Allumez aussi les phares car ce récit n'est éclairé que par des lampadaires fatigués qui crachent une lumière embuée sur la vie mazoutée de personnages qui avance, tous feux éteints.
Dans ce polar très social, naturaliste pour les puristes, Hervé le Corre s'intéresse aux laissés pour compte de la belle endormie, cette ville où le couvre-feu passe presque inaperçu dans les beaux quartiers. Mais le bonhomme n'a rien du guide touristique et il nous amène dans des recoins beaucoup moins fréquentables. Pas sûr de trouver son bouquin sur la banque de l'office du Tourisme où à la Cité du Vin.
Après avoir remonté le temps, s'être intéressé à la Commune et aux années 50 dans ses précédents romans, l'auteur retrouve ici son époque et il n'est pas tendre avec elle. Les retrouvailles sont glaciales et nauséeuses.
Trois personnages se partagent le récit. Jourdan, flic désabusé et crépusculaire fait une overdose de scènes de crimes et il laisse son couple s'effilocher sans réagir, mutique et résigné.
Louise est une femme battue, ancienne droguée, harcelée par son ex, qui ne survit que pour son petit garçon et pour quelques petits vieux qu'elle accompagne comme auxiliaire de vie. Une femme qui n'est pas fatale en lutte contre la fatalité.
Christian, lui, est un ancien militaire qui vit sous la coupe d'une mère incestueuse et qui se venge en agressant sauvagement des femmes, la plupart du temps des prostituées. La victime devient bourreau.
On ne doute pas que les routes de ces trois grands blessés vont se croiser et plus que l'intrigue policière, très classique, ce sont ces rencontres que le lecteur attend. Est-ce que l'un de ces personnages va traverser la nuit et voir la lumière au fond du couloir ?
Une nouvelle fois, je trouve qu'Hervé le Corre excelle dans la description des ténèbres et des individus qui tanguent au bord de l'abime. L'humour n'est pas son fort et il va m'être difficile de trouver une citation un peu décalée à jeter en pature sur Babelio pour illustrer mon billet. Carré noir. Néanmoins, ne fuyez braves gens devant tant de noirceur, le Corre aux pieds (désolé) d'argile dans la boue se sert magnifiquement de ses mains et son style ciselé en fait un maître de l'arabica.
En toile de fond, le récit suggère les gilets jaunes, les violences faites aux femmes, l'isolement des personnes âgées, la détresse sociale ambiante mais l'auteur évite le roman à thèse bien lourd. Il raconte plus qu'il ne juge, même si derrière ses mots, on le sent en colère.
Une plongée sans concession et sans bouteille d'oxygène. Apnée dans les abysses.
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