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Critique de Matatoune


Quelques lignes, deux pages à peine, et la misère s'étend, blafarde et collante, tout juste sortie des mots d'Hervé le Corre dans Traverser la nuit.

Un homme est couché sous le banc d'un abri bus avec un tee-shirt ensanglanté. Quelques heures plus tard, il s'écroule mort d'une balle dans la nuque dans une pièce du commissariat d'un quartier de Bordeaux.

Une femme se relève difficilement du tabassage en règle de son ex. Mais, Louise trouve la force de lever quand-même son petit Sam pour le déposer à l'école. C'est son soleil, sa raison unique de vivre, son tout petit, son amour ! Elle est déjà sortie d'autres engrenages et espère sortir du harcèlement et de sa violence.

Des coups de feu. Trois enfants, 8, 5, et 3 ans, deux filles et un garçon, avec leur mère, assassinés. Jourdain, commandant de police, arrive avec son équipe. Lorsqu'il rencontre, plus tard le meurtrier, pas sûr qu'il puisse rester calme ! Terriblement impacté par ce qu'il vit dans son travail, il s'enferme dans un mutisme qui met à distance même les plus intimes.

Un homme bourru, solitaire et au corps lourd n'en peut plus de supporter sa mère toxique depuis son retour d'armée. Mais, Christian n'en dit rien. Il fait comme si. Il continue ses petites affaires en tournant autour des femmes, sa violence à fleur de peau.

Louise la lumineuse, Jourdain le révolté et Christian le taciturne évoluent au gré de leurs failles, toujours au bord du précipice et proche du déséquilibre. Vont-ils tombés ? Vont-ils s'en sortir ? Vont-ils pouvoir changer un peu leur environnement ? L'auteur n'en dit rien malgré l'espoir secret du lecteur.

Traverser la nuit est un roman intensément noir. C'est long de le lire. Ça coupe le souffle tant il y a de vérités et de violence dans le choix d'implanter le récit dans la classe sociale des gens de peu, sans avenir. Ça laisse un goût acre. L'écriture se fait montreuse pour cette critique sociale qui étouffe quelque fois jusqu'à la nausée.

Si Hervé le Corre écrit pour réveiller les consciences, il le réussit parfaitement. Car il sait titiller notre humanité en nous racontant le quotidien de ceux qu'on ne raconte pas. Ses personnages n'ont absolument rien de nouveau dans le monde du polar français, mais son traitement en fait une expérience unique.

Grâce à la lumière que son fils lui apporte, Louise se prend à rêver à autre chose que ses ménages et ses courses pour les personnes âgées. Arrivera – t- à étouffer la colère qui la saisit ?

Embourbé dans la noirceur du monde, Jourdain, le flic confronté aux bas-fonds d'une société qui refuse de voir la pauvreté qu'elle engendre et les drames qu'elle occasionne, se débat, espère et essaye, malgré tout de se réinventer. Arrivera-t-il à contrôler la colère qui le brule ?

Et Christian, dont on devine qu'il ne pourra pas se sortir de cette violence qui éclabousse tout ce qu'il touche …

Et, puis, il y a aussi Bordeaux, qui héberge comme toute ville, la misère froide et glauque. Hervé le Corre donne des couleurs de grisaille à ce polar à l'écriture travaillée et teintée de poésie !

Difficile de conseiller ce roman noir très réussi puisque la lecture devient oppressante. Néanmoins quand le genre plaît, alors il ne faut pas hésiter. Hervé le Corre démontre une nouvelle fois la place particulière qu'il tient dans le panorama du polar français.
https://vagabondageautourdesoi.com/2021/04/18/herve-le-corre/

Lien : https://vagabondageautourdes..
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