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Critique de Arthur409


Cet ouvrage reprend la chronologie de l'apparition du phénomène des « marées vertes ».
Depuis le début des années 1970, on observe dans certains sites de Bretagne, en particulier des baies comme celles de Saint Brieuc, de Douarnenez ou de Lannion, une prolifération d'algues vertes à certaines périodes de l'année. Portées par les marées, ces algues viennent s'échouer sur les plages où elles forment des amas malodorants et inesthétiques. Outre le problème des nuisances olfactives et visuelles, on a constaté, dès les années 1980, un danger grave pour les animaux et les humains : en se décomposant, les algues émettent de l'hydrogène sulfuré, gaz qui provoque des intoxications foudroyantes pouvant être mortelles.
De nombreux décès « inexpliqués » d'animaux (blaireaux, sangliers, et même un cheval) ont été signalés et sept décès ou intoxications graves de personnes (dernier décès, celui d'un joggeur en 2016) ont été reliés à ce phénomène.
Dans un premier temps, les communes riveraines ont pris assez rapidement des mesures pour le ramassage des algues sur les plages, en particulier pour préserver l'attrait touristique des sites.
Mais le ramassage ne peut pas se faire en permanence, et certains dépôts d'algues recouverts de sable ou de vase ne sont que difficilement décelables. le remède serait donc de trouver la cause de la prolifération incontrôlée des algues, pour la stopper à sa source.
Et c'est là que les difficultés commencent. L'hypothèse émise par Y.-M. le Lay et les associations qui travaillent sur le phénomène (en particulier Sauvegarde du Trégor et Halte aux marées vertes), et confirmée par des études scientifiques, est que les algues se multiplient car elles sont en partie « dopées » par des excédents de nitrates utilisées par l'agriculture intensive (épandages de lisier, engrais artificiels). Ces nitrates sont charriés par les eaux des rivières côtières pour arriver en milieu marin dans les baies évoquées précédemment.
En fait le mécanisme précis de la prolifération n'est pas définitivement établi : une seule algue, « ulva armoricana », participe aux nuisances. Y.-M. le Lay émet une hypothèse de mutation génétique sous l'effet conjugué de la présence de nitrates et de l'agitation par les vagues, tout en reconnaissant que ce n'est qu'une théorie et qu' « elle mériterait d'être testée et vérifiée par la communauté scientifique ».
Alors que faire ? Réduire l'utilisation des nitrates dans l'agriculture, jusqu'à ce que l'eau des rivières ait la qualité de l'eau de source, avance l'auteur. Et donc s'orienter vers des pratiques agricoles utilisant peu d'engrais, changer par exemple le maïs contre du lin, du chanvre ou du sarrasin, et pratiquer l'élevage en plein air. Mais là, bien sûr, on se heurte aux pratiques établies. Et selon l'auteur (et c'est là que le livre devient vraiment polémique), la résistance au changement est orchestrée à plusieurs niveaux : au sommet, le « complexe agro-industriel », qui promeut une « agriculture intensive hors-sol » dans un but unique de profit maximum. Ce complexe comprend entre autres les producteurs d'engrais et de pesticides, les fabricants de matériel agricole, les coopératives, les banques et la FNSEA. Cet acteur est également qualifié de « prédateur », puisqu'il crée sa richesse au détriment d'une part des agriculteurs eux-mêmes, et d'autre part de l'environnement.
Deuxième acteur de la résistance, le « prescripteur » : c'est en fait le législateur et garant de l'application des lois, donc l'Etat et les grandes administrations, représentés par le préfet.
Tout au long du livre, et même depuis le titre, la charge est constante contre l'administration, accusée d'être aux ordres du complexe agro-industriel, de ne pas oser contrer la puissante FNSEA, et de tout faire pour étouffer les accusations émises par les associations écologistes contre la toxicité des algues vertes et les nuisances de l'agriculture intensive . Devant les preuves récoltées sur le terrain, l'administration serait en attitude de constant déni, refusant de reconnaître la toxicité des algues, et donc d'agir à la source. Les attaques sont violentes tout au long du livre :
« [Jean-Yves le Drian] ne doit jamais oublier qu'il est en opération de déni organisé … Il fait le job, comme on dit. »
« A cette occasion, tous les élus de droite comme de gauche sont mobilisés. Une intime solidarité les lie désormais à la campagne sarkoziste de désinformation orchestrée par les services de la préfecture des Côtes d'Armor qui reste le grand ordonnateur de la communication et qui en rend compte directement au cabinet de la présidence et du premier ministre. »
L'auteur pose même la question : « Qui gouverne en Bretagne » ?

Dans le livre, on n'entend qu'une seule voix, celle de « l'objecteur » (les écologistes, selon Y. –M. le Lay). Ce sera au lecteur d'adhérer ou on à cette thèse, suivant les informations qu'il pourra peut-être trouver par ailleurs, dans des rapports administratifs, ou des articles de presse…
Sur la forme, j'ai trouvé que l'ensemble du texte est assez touffu (peut-être parce que très documenté), la lecture n'est pas facilitée par le fait qu'il y a de nombreux retours en arrière dans l'évocation des faits, le plan n'est pas très clair. Peut-être qu'un tableau chronologique, une carte et quelques schémas rendraient la lecture un peu plus « confortable ».
D'autre part le ton polémique adopté depuis le début peut rebuter certains lecteurs qui ne sont pas acquis d'entrée à la cause défendue par Y. –M. le Lay. Par contre ceux qui sont déjà convertis seront encore plus en accord…
Mais qu'on adhère ou non aux opinions émises dans ce livre, on ne peut que constater que, si la prise de conscience de la dégradation de l'environnement est désormais réelle et générale, les décisions énergiques pour changer nos habitudes ou notre mode de vie sont extrêmement difficiles à prendre, et le temps ne travaille pas pour nous…
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