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Critique de Lucilou


"C'est nous qui sommes les hiboux
Les apaches, les voyous
Ils en foutent pas un coup
Dans le jour, nous planquons nos mirettes
Mais le soir nous sortons nos casquettes
Nos femmes triment sur le sébasto
Pendant que nous chez le bistrot dans un coin bien au chaud
On fait sa petite belote avec des mecs comme nous
Des coquins, des apaches, des hiboux."

Cette chanson de Piaf m'a hanté tout au long de ma lecture de ce "Un bref désir d'éternité" dans lequel Didier le Pêcheur -que je ne connaissais pas- convoque ce Paris de la Belle Epoque et ses quartiers populaires, sa noirceur, sa violence, ses cocottes et ses apaches.
Il y a un rien de Zola dans ce roman réaliste, cruel, cru et un peu du Marcel Carné de l'Hôtel du Nord et du Quai des Brumes. Un peu d'Eugène Sue et d'Aristide Bruand et ces inspirations, ce mélange donnent un roman extrêmement prenant, efficace. Engagé même. Profondément désillusionné aussi. Désespéré et sans concession. Un roman noir, un vrai de vrai.
"Un bref désir d'éternité" nous convie à suivre les destins croisés de Zélie, fille des faubourgs qui pour s'extraire de son destin tout tracé d'ouvrière se lance dans la prostitution et dans les bras des chefs apaches, aussi cabossés que violents et charismatiques; de Jules qui de modeste garçon de café deviendra policier après avoir contribué à l'arrestation de Ravachol; de l'inspecteur Reynaud, poète tourmenté à ses heures et de Madeleine épouse bourgeoise frustrée.
Si la trame du roman est définitivement romanesque, elle emprunte bien à la vie des modèles des personnages (Jules Lhérot, Amélie Elie -célèbre Casque d'or- , Ernest Raynaud) et quelles existences...
Loin du fantasme d'une belle époque toute de littérature, d'art, de finesse et de beauté, Didier le Pêcheur a pris le parti de raconter l'envers du décor: il y a d'un côté le monde des nantis. Hypocrite. Venimeux. Mélange de pudibonderie et de faux semblants. Débauché, désoeuvré. du côté des faubourgs, c'est le monde misérable des ouvriers et des apaches où faute de pouvoir s'en sortir honnêtement, on préfère brûler la vie par les deux bouts; où il vaut mieux être la gagneuse d'un chef de bande que fille ouvrière. On joue du désir comme du couteau ou du revolver, on boit plus que de raison et on oublie demain dans les guinguettes. On rêve aussi. Quant à la police...
De cette violence, de cette époque pétrie de paradoxes jaillit un roman beau, tragique et intelligent qui se lit comme un feuilleton, qui se savoure malgré son amertume, son petit gout de désenchantement. Dans "Un bref désir d'éternité", il y a peut-être de la place pour le désir, mais ni pour la rédemption, ni pour l'amour. Encore moins pour l'espoir.
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