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Critique de Ana_Kronik


L'histoire passionnante, et au final assez peu étudiée, de cette discipline méconnue: le marketing. Souvent réduit à son aspect le plus visible, la publicité, le marketing recouvre en fait toute la chaîne de l'économie: de la production à la consommation, en passant par le maillon essentiel de la distribution.

Le marketing est essentiellement américain, il prend son essor au cours des années 1920, alors qu'il ne sera enseigné en France qu'à partir des années 60. L'auteur s'appuie donc sur une multitude de sources états-uniennes et décortique pour nous les théories, les pratiques, et leur évolution.

Curieusement, au départ le marketing avait pour but d'éduquer le consommateur, et principalement la ménagère américaine, celle qui s'occupe des achats domestiques, mais qui a son mot à dire pour tout (si si, même la bagnole). Logique: les transports étaient encore peu développés, les normes quasiment inexistantes, il était vital de savoir reconnaître les fruits véreux, le poisson pas frais, ou la viande frelatée. de nos jours, c'est l'inverse, on n'ouvre plus les boîtes pour vérifier la qualité d'un produit. Tout récemment d'ailleurs, venant retirer une commande, j'ai eu affaire à ma grande surprise à une employée qui a pris la peine d'ouvrir l'emballage du fabricant, pour me montrer qu'il contenait bien l'appareil et tous ses accessoires!

Par la suite, avec l'essor de la production, l'élévation du revenu des ménages, la multiplicité des produits disponibles, le choix des consommateurs est devenu énorme. Il s'agit alors de deviner ce qui peut l'attirer, pourquoi, ce qui influence les achats. Les études de marché se multiplient, on fait appel aux sciences sociales, comme la psychologie. On influence aussi les fabricants, et l'on oriente donc leur production. Enfin, on investit beaucoup dans l'emballage, la disposition des produits dans les boutiques, et en particulier dans ces temples de la distribution que sont les supermarchés. Thibault le Texier nous apprend ainsi que dès 1917, trois brevets furent déposés concernant le plan de circulation dans les supermarchés Piggly Wiggly. Lequel plan m'a semblé étonnamment similaire à celui de mon Ikea favori. Vous savez, cet itinéraire imposé, qui vous amène à passer absolument devant tous les rayons...

Thibault le Texier n'oublie pas d'aborder le marketing politique, ou celui, autrement fondamental, de l'argent: vente de prêts, de crédit. On apprend ainsi que dès les années 60, Visa envoie des dizaines de milliers de cartes de crédit à des personnes... qui n'avaient absolument rien demandé! Il faudra attendre 20 ans pour que cette pratique soit interdite.

Plus éclairante encore est sa critique de l'économie, et plus particulièrement des économistes. Car le marketing est central dans l'économie. Or, comme le montre l'auteur, très peu d'économistes se sont intéressés à la consommation. La plupart des chercheurs en économie - y compris des prix Nobel respectés comme notre indéboulonnable Debreu - se sont intéressés à la production, aux échanges, dans des systèmes quasiment parfaits, et surtout, en supposant que tous les agents sont rationnels! Or, ce que démontre ce bouquin, c'est que ce système parfait n'existe pas. Que nous ne sommes pas rationnels. L'histoire de la discipline est remplie d'auteurs et gourous ayant chacun leur "méthode", mais au final, il faut bien se l'avouer, on reste dans le bricolage, et l'on ne sait pas déterminer à l'avance ce qui marchera ou ce qui sera un fiasco commercial.

Pour finir, l'auteur nous invite à réfléchir et à nous débarrasser des idées reçues, notamment sur la société de consommation qui uniformise (alors que le marketing est affaire de différenciation des marques, de positionnement) ou que le consommateur soit passif et domestiqué, alors qu'il est conscient de l'impact de certains choix. La réalité est bien plus complexe.

Une des conclusions est que le marketing influence la société, mais qu'il ira toujours caresser dans le sens du poil les consommateurs, on ne peut donc en attendre aucune révolution. Ce qui face au défi climatique, ne peut que rendre pessimiste. D'autant que les gouvernements ont depuis longtemps renoncé à être directifs, laissant les marketeurs nous dire ce qui serait bien pour nous... Les gouvernants ont abandonné le combat, se limitant à appuyer les entteprises, sans trop se soucier des consommateurs. [C'est toujours vrai aujourd'hui, en témoigne entre autres la faiblesse des contrôles sanitaires régulièrement mise en lumière par divers scandales, tels que les pizzas Buitoni. Tiens, la semaine dernière, j'apprends que certains enfants ont les dents pourries parce qu'ils ont été nourris avec des biberons de Coca... Merci qui?]
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