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Critique de colimasson


« Sachez que personne n'a le droit de communiquer avec lui, verbalement ou par écrit, ni de lui accorder aucune faveur, ni de se trouver avec lui sous le même toit ou à moins de quatre coudées, ni de lire aucun écrit fait ou rédigé par lui. »


Ainsi énonça-t-on l'acte d'exclusion de Spinoza le 27 juillet 1656, alors que celui-ci se dirigeait à peine vers ses 24 ans. Imprégnés de la conscience de cette mise à l'écart, les contributeurs de ce Hors-série du Nouvel Observateur semblent vouloir nous dire qu'il fallait pourtant en passer par là pour que Spinoza puisse accéder au titre de « maître de liberté ». Et si ses textes et sentences semblent parfois trop obscures pour être des considérations actuelles, les rédacteurs convoqués nous montrent qu'ils sont en réalité généralisables ad vitam aeternam, pertinents hier, aujourd'hui et sans doute demain. Mais parlons déjà un peu d'hier pour comprendre la formation du jeune Spinoza, ainsi que d'aujourd'hui, pour retrouver trace de ce grand penseur dans des domaines toujours critiques de notre société.


Après quelques articles d'introduction nous permettant de comprendre le contexte politique et géographique dans lequel vécut Spinoza, Le Nouvel Observateur découpe son hors-série en trois grandes parties qui rapprochent Spinoza de la religion, du développement personnel et de la politique. Il s'agit de mieux comprendre les particularités de « l'athéisme » de Spinoza ainsi que les raisons qui l'ont conduit à l'exclusion ; de passer outre l'impression d'impénétrabilité d'une pensée obscure qui est en fait un éloge fait à la joie, au désir et à l'art ; de proposer des solutions aux problèmes politiques, sociaux et écologiques d'aujourd'hui en faisant comprendre le concept d'interdépendance consentie et de conatus spinoziste. Si les articles ne sont pas tous égaux, et si certains d'entre eux poussent un peu trop loin une spéculation basée sur des textes dont l'extrême concision facilite le vice de la déformation, ils réussissent malgré tout à nous permettre de les envisager sous de multiples angles de lecture. Et puisque la perfection s'acquiert par la joie, cet hors-série enrichit encore les références à la pensée spinoziste par des illustrations de peintres du 17e siècle qui répondent parfois, de manière indirecte et voilée, aux préoccupations du penseur.


Toutefois, cet hors-série apparaît finalement comme un semi-constat d'échec puisqu'il s'agit de brandir la pensée de Spinoza en la brodant, paraphrasant et explicitant longuement, comme si elle était incapable par elle-même de nous faire comprendre qu'elle n'a pas perdu de sa pertinence et que son application concrète en politique, en écologie ou en droit social permettrait peut-être de résoudre des problèmes de notre siècle. Cet aveu, qui transformerait presque celui que l'on prend pour un athée en nouveau prophète martyre, transforme à son tour les publications de Spinoza en lois supérieures qui nécessiteraient une mise sous allégorie pour être mieux comprises. C'est ainsi qu'en lisant l'article de Yannis Constantinidès Spinoza athée ? »), on ne peut s'empêcher de penser que Le Nouvel Observateur voudrait se faire le relais d'une pensée si riche et complexe qu'elle a été négligée et détournée –pour le plus grand malheur de l'être humain :


« […] puisque ce récit [la Bible] est destiné au peuple ignorant et rédigé dans un langage pour lui compréhensible, il faut décrypter le message comme suit : Dieu n'a pas révélé à l'homme sa volonté, mais sa loi. Or Dieu et la nature ne font qu'un. C'est donc purement et simplement la loi de la nature que Dieu a révélé à l'homme. Son intelligence étant limitée, celui-ci n'a pas compris les conséquences néfastes auxquelles il s'exposait en négligeant les enseignements reçus, et c'est la cause du désastre métaphoriquement représenté par la « chute » »


Il s'agit peut-être d'une nouvelle preuve de l'acuité de la vision spinoziste. Déplorant que nous ne cherchions pas assez à atteindre la perfection, et nous donnant les moyens de le faire, Spinoza nous aurait peut-être permis de simplifier nos vies communautaires et personnelles. Mais ne connaissant pas la pensée spinoziste, ou la croyant détachée de la pratique réelle, nous ne le faisons pas et continuons à répéter les erreurs qu'elle dénonce. Il s'agit là d'un argument non négligeable de l'intérêt que nous devons accorder à Spinoza –ne s'agirait-il déjà que de se mettre un peu plus en joie.


Lien : http://colimasson.over-blog...
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