Une aventure de Smila Sibir : Le troisième pôle

Ils sciaient les branches sur lesquelles ils étaient assis , tout en se criant leurs expériences l'un à l'autre pour scier plus efficacement . Et ils chutèrent dans les profondeurs .Et ceux qui regardaient hochèrent la tête et continuèrent de scier vigoureusement.( Bertolt Brecht )

Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c'est nous qui l'avons tué ! Comment nous consoler , nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu'à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau.

Son regard inquiet cherchait un signe de vie dans l'atmosphère floutée par la fournaise .

La solitude est un puissant narcotique qui se répand dans les veines, dans les nerfs et les muscles, s'arrogeant le droit de posséder les corps et les esprits, construisant les murs d'une forteresse inexpugnable.

La nature est une force avec laquelle il vaut mieux composer . Quelle arrogance que d'imaginer qu'on peut la dompter .

Soudain, des vagues lumineuses envahirent l’horizon telle une draperie sous le vent.

La coloration verte s’intensifia, percée par endroits de longs fuseaux rouges et de particules violacées. Une sombre magie opérait…

La mélopée s’acheva avec une rafale, chargée d’embruns et de flocons. Elle fit vaciller la flamme des torches plantées dans le sol et remua encore plus sévèrement le ciel, y avivant l’incendie boréal.

Je ne sais plus qui a écrit que le vrai domicile de l'homme n'est pas une maison mais la route, et que la vie elle même est un voyage à faire à pied.

Les membres de l’énigmatique confrérie, torches en mains, entourèrent le misérable homoncule. Les bourreaux attendirent, tête baissée, que la femme blonde les rejoigne, puis ils entonnèrent un chant, aux vers saccadés, au registre sacré. Les feux de l’aurore boréale s’éteignirent presque instantanément, comme soufflés par la puissance de ces voix sépulcrales.

Le crâne de l’enfant racla la neige fraîche, heurta quelques cailloux saillants qui déchirèrent un peu plus ses chairs déjà meurtries. Ses fins cheveux blonds, presque transparents, étaient maculés de sang séché, et ses paupières étaient comme scellées par une fine couche de givre. Quant à son visage violacé, il semblait s’être figé en un rictus douloureux.

L’un des membres de l’assemblée rejoignit la maîtresse de cérémonie. Parvenu sur le socle pierreux, il concentra son attention sur la partie basse de la sphère métallique et fit jouer un mécanisme caché, ouvrant une petite porte jusque-là invisible. Il engouffra avec difficulté la moitié de son corps par cette ouverture, saisit le petit cadavre par les chevilles, l’extirpa sans ménagement de sa cage et le traîna jusqu’au milieu du groupe, comme un vulgaire sac de blé.