Parvenu au terme de ce cheminement laborieux, je sais désormais que la fraternité n'est pas un simple sentiment, qu'elle n'est pas constituée d'émotions pures qui s'imposeraient à nous au gré d'affinités particulières que nous aurions, ou non, la chance de pouvoir ressentir.
La fraternité est bien plus que cela. Il s'agit en réalité d'une disposition de l'esprit à laquelle chacun de nous doit s'asttreindre. D'une posture morale par laquelle nous devons rechercher le besoin qu'inévitablement nous avons de l'autre, identifier lucidement chez lui les talents, la force ou les faiblesses qui compléteront les nôtres et les équilibreront.
Etre frère, c'est se défaire de soi, c'est accepter d'être dépendant.
La vérité que nos images dénonçaient ne pouvait pas être dite dans les journaux pour lesquels ils travaillaient. C'est ce jour-là que j'ai découvert jusqu’où pouvait conduire, dans certaines circonstances, le respect de la fameuse « ligne éditoriale ».
Je ne prétends surtout pas porter le moindre jugement sur le métier de journaliste. Je finissais par bien mesurer, engagement après engagement, qu'il est impossible de rendre compte, dans toutes ses nuances, de la complexité du réel. Que cette complexité et ces nuances n'intéressent probablement qu'assez peu la majorité des lecteurs. Qu'elles ne sont que modérément enthousiasmantes et, qu'en tout état de cause, le moloch de l’opinion publique ne s'en satisfait pas.
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LA GUERRE ...
En réalité, elle n’a jamais disparu.
Entre la « guerre », entendue au sens stratégique du terme, et ce qui était qualifié d’« opérations », il y a une différence de définition, mais, sur le terrain, pour le soldat qui la vit, c’est la même chose. C’est la même densité de combat, les mêmes blessés, les mêmes morts.
Beaucoup d’Américains qui ont débarqué en 1944 n’ont jamais eu de confrontation physique avec un ennemi ; à l’inverse, de nombreux soldats français ont connu l’expérience du feu sans que leur pays soit officiellement « en guerre ».
Après la guerre froide, qui était une guerre, au sens classique du terme, qui n’a jamais eu lieu, nous avons connu une période de guerre qui ne portait pas ce nom.
Et aujourd’hui on entre à nouveau dans une guerre qui parle aux gens, qui leur fait peur.
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P.29 " L'apprentissage des éléments techniques du combat ne représentait plus une fin en soi, mais un support par lequel on s'efforçait d'amener ces jeunes hommes à la maturité en leur faisant acquérir les traits principaux : exigence personnelle, responsabilité, souci de l'autre. "
J'en sais désormais suffisamment pour ne pas me croire préservé, par ma simple qualité d'homme, du surgissement de l'animal qui gît en moi.
"[...] on attendait du droit que, sans la force, il triomphe de la violence."
Un soldat combat toujours dans l'espoir de parvenir à la paix. Elle est son horizon ultime. Mais si le politique a décidé de l'engager dans l'atteinte d'un tel objectif, c'est pour qu'il s'y efforce en faisant son métier de "soldat de guerre".
Le regard d'un enfant affamé et harassé de fatigue après des semaines de fuite éperdue est aussi bouleversant que celui d'un orphelin au crâne enfoncé par les coups de machette qui ont tué ses parents.
Chacun est libre d'avoir ses convictions et idéaux, mais nul n'a le droit, surtout s'il est jeune, de les imposer à toute force à ceux qui n'en veulent pas.
Etions-nous soucieux du sens de cette guerre ? Je ne le crois pas. Tout à nos inquiétudes immédiates, nous nous réfugiions avec une sorte de soulagement dans la certitude que ce pour quoi nous allions combattre était nécessaire et juste, puisque nos chefs nous le commandaient.