Frères à abattre

Mais surtout, je m'insurge contre ceux qui, perclus de conformisme, n'ont plus aucun projet pour la société, au moment où la République a un besoin crucial d'idées nouvelles pour surmonter les innombrables problèmes auxquels elle est confrontée.

Je m'insurge contre ceux qui s'opposent maintenant de front au jeu démocratique, qui ne tolèrent plus qu'on puisse les blâmer, habitués qu'ils sont à trop d'éloges flatteurs.

Je m'insurge contre ceux qui se croient toujours maîtres de tout, qui n'acceptent pas de n'avoir plus de fonction et qui n'acceptent pas que d'autres puissent être libres sans eux. Je m'insurge contre ceux qui, dans une organisation essentiellement républicaine, n'ont de cesse d'invoquer le crime de lèse-majesté, parce que d'aucuns se déterminent en conscience, osent le dire et critiquer.

Voilà pourquoi je m'insurge contre ceux qui se croient indispensables, Frères incontournables devenus inamovibles et intouchables, au point de finir par confisquer l'obédience ! Je m'insurge contre ceux qui se veulent faiseurs de rois, grands marionnettistes, qui sclérosent, divisent, dispersent au lieu de rassembler : au-delà de l'apparence de réseaux concurrents, ils contribuent de concert et sans ambiguïté à pervertir les procédures démocratiques, au lieu d'agir pour rassembler. Et l'observation montre qu'ils finissent par se retrouver pour des partages qui ne sont pas des accords.

C'est un tableau tragique que vous dépeignez.

Que le Grand Orient soit sous sédatif, que son encéphalogramme reste plat ? Pour moi ça l'est. Nous en sommes là parce que quelques-uns n'ont considéré l'obédience qu'à travers leur ego démesuré et ont privilégié leur intérêt particulier, la satisfaction d'un cordon ou d'une prébende, à l'intérêt commun.

Je ne suis qu'un Franc-maçon de base, provisoirement délégué aux plus larges fonctions, mais de ce fait investi d'une responsabilité dont je ne peux me détourner, quelles que soient les pressions : je refuse l'étouffement des enthousiasmes, l'enterrement des espérances, la condamnation des énergies à l'impuissance. C'est avec une certaine angoisse que j'évoque aujourd'hui le pire : le naufrage sous les quolibets des médias si nos errements et notre laxisme gestionnaire se poursuivent !