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Critique de Yaena


Durant la conquête de l'ouest de nombreux enfants blancs furent enlevés à leur famille par les indiens qui les kidnappaient pour en faire une monnaie d'échange ou des esclaves. Toutefois il est étonnant de constater que du statut de captif ces enfants passaient presque toujours à celui de membre à part entière de la tribu. Nombreux sont ceux qui devenus adultes et rendus à leur famille ont choisi de demeurer parmi les indiens et n'ont jamais pu se réadapter à leur ancien mode de vie. Beaucoup ressentaient un manque en quittant leur tribu (vie spirituelle, communion avec la nature, liberté…) j'étais donc curieuse de lire le point de vue de cet homme : Herman LEHMANN qui après avoir passé 9 ans parmi les indiens avait finalement réintégré sa famille.

J'avoue, cette lecture n'a pas été à la auteur de mes attentes car le livre n'aborde pas cette question comme je l'espérais.

Dans les premiers chapitres l'auteur nous raconte son kidnapping et la violence qui l'accompagne. Il est enlevé par des Apaches qui sont réputés pour être des guerriers brutaux et violents. Visiblement ils font peu de cas de cet enfant et sont loin de le ménager. En même temps quand on sait que ces hommes sont capables de chevaucher plusieurs jours sans presque manger ou boire on peut se douter qu'il ne placent pas le curseur du tolérable au même niveau que les pieds tendres. Même quand ils essaient d'être agréables en nourrissant Herman cela relève plus de la torture qu'autre chose. En effet leur régime alimentaire est quelque peut différent de celui d'un petit garçon blanc, pour qui, en général, la viande crue et le lait bu directement à la panse ne sont pas vraiment au menu. Une entrée en matière assez violente donc et un premier contact qui donne une image assez inhumaine des Apaches. Ensuite le récit est assez décousu et j'ai eu du mal à me situer dans le temps. On ne sait jamais vraiment depuis combien de temps Herman est avec la tribu et il donne très peu d'éléments sur la manière dont il s'intègre.
Dans toute la première partie du récit j'ai vraiment eu l'impression d'un témoignage à charge contre les indiens et ce dès l'avant propos. Par exemple quand l'éditeur dit au sujet d'Herman « L'indien changea de caractère et le sauvage s'effaça pour faire place à une nature des plus nobles ». Voilà une vision très ethnocentrée et réductrice.
Les Apaches, et plus globalement les indiens , sont décrits comme un peuple haineux et agressif. A aucun moment le contexte n'est précisé. Il aurait été utile de rappeler que les indiens étaient à cette époque en guerre et acculés par les blancs qui, non contents de ne respecter aucun des traités signés avec les indiens, s'employaient en plus à les exterminer eux et leur culture. Même si cela n'excuse pas tout, ça aide quand même à comprendre !
L'essentiel du récit d'Herman nous parle des raids et des pillages qu'il a mené avec les Apaches : vol de chevaux, vol de bétail, de marchandises… Les indiens sont présentés comme des voleurs qui pillent à tour de bras : « Les indiens lui ont appris ce qu'ils savaient faire de mieux : tuer et voler ». Là encore je trouve ça un peu facile. Rappelez moi qui a envahi le territoire de l'autre en premier ? Qui a affamé les autochtones en tuant les bisons à tour de bras ? On expose les conséquences mais pas les causes. Il y a toujours 2 versions de l'histoire et là visiblement il manque une version et comme d'habitude c'est celle des vaincus !
Donc beaucoup d'infos sur les exactions commises par les indiens mais très peu d'informations sur celles commises par les blancs et surtout sur la vie quotidienne des indiens . J'aurais aimé en apprendre plus sur leurs coutumes, leurs traditions, la façon dont est structurée la tribu, les relations entre les individus, la hiérarchie… Il y a quelques informations éparses mais cela reste superficiel. Ce peuple si riche culturellement est réduit à l'image de guerriers violents et barbares. S'ajoute à cela le fait que le récit soit très factuel et que l'on ne sache rien du ressenti de l'auteur. Il se dégage donc un sentiment de violence et d'austérité assez particulier. C'est presque un compte rendu. D'ailleurs la plume de l'auteur n'a rien d'exceptionnel. C'est assez plat.

Cette absence de sentiments va même jusqu'à nuire au récit puisque que par exemple quand Herman parle de Carnoviste comme étant son meilleur ami je suis surprise. Je n'avais pas saisi la nature de leur relation. Il y a peu d'éléments sur les liens qu'il a tissé avec les différents membres de la tribu.
J'ai eu le sentiment de lire des choses contradictoires. L'auteur dit aimer les indiens et faire partie de leur famille mais il nous donne une image assez négative de ce peuple. Par ailleurs, on sent une nette préférence pour les comanches par rapport aux Apaches. Il a même été officiellement reconnu comme membre à part entière de cette tribu. Il cultive également une haine féroce de l'homme blanc à un moment du récit et il aura beaucoup de mal à réintégrer sa famille d'origine. Il ne rompra d'ailleurs jamais les liens qui l'unissent aux comanches et considérera toujours faire partie de leur famille et de leur tribu. J'ai donc eu beaucoup de mal à comprendre comment il pouvait assimiler systématiquement les indiens aux sauvages et les hommes blanc aux hommes civilisés : « J'ai toujours autant d'affection pour mes compagnons comanches mais la civilisation anglo-saxonne a fait de moi un homme bien différent du jeune sauvage que je fus jusqu'à ma vingtième année. A quoi bon cacher que je fus, dans ma jeunesse, assoiffé de sang, que je n'avais pour seul horizon que le pillage ? J'ai grandi de cette manière, voilà tout, et il m'a ensuite fallu du temps pour comprendre que ce n'était pas un système de valeur normal ».

J'ai été déçue de cette vision réductrice : homme blanc = civilisé, indien = sauvage, venant de quelqu'un qui avait vécu avec ce peuple. Évidemment ce livre ayant été publié en 1927 la société américaine n'était pas la même qu'aujourd'hui. Il n'empêche que quand la quatrième de couverture parle d'un « classique de la littérature western et des études ethnologiques sur la culture amérindienne » je trouve ça un peu à côté de la plaque. Comment peut-on parler d'étude ethnologique avec un livre aussi ethnocentré ?

Le ton s'adoucit tout de même en fin de récit et je veux bien croire que Herman aime profondément les comanches et qu'il sont sa famille autant que celle de sang mais les a priori de toute une société et de toute une époque ont sans doute été plus forts que cet attachement.
Un récit qui malgré tout est intéressant mais, d'après moi et ce n'est que ma petite opinion, n'offre qu'une vision réduite et partiale de la question.
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