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Critique de MissFantomette


Inhabituel, ce roman l'est dès sa première page.
Nous nous trouvons en effet devant une typo aujourd'hui peu usitée, qui évoque indéniablement celle d'une machine à écrire.

Est-ce une manière de suggérer que ce roman est « brut », tout juste issu des neurones de la narratrice ayant jeté idées et événements sur le papier ?
C'est en tout cas l'impression que j'en ai retirée...
Sentiment conforté par le fait que l'écriture est rapide, peu de paragraphes (« retour chariot » comme on disait) : certaines pages forment un bloc compact, sans saut de ligne, comme écrites dans l'urgence. Les dialogues sont relativement rares....

Bref, j'aurais tout aussi bien pu tomber sur le journal intime d'Edie, jeune afro-américaine de 23 ans, travaillant accessoirement dans l'édition mais étant davantage elle-même lorsqu'elle peint... et cherchant, à vrai dire, qui est cet insaisissable « elle-même ».

La tranche de vie qui nous est donnée à voir, entre New York et New Jersey, ce sont les quelques mois de sa relation sexuelle avec un homme blanc .
Qu'on ne s'attende ni à de beaux sentiments ni à des moments torrides : il n'y en a guère, et c'est une originalité du livre que de nous dépeindre une liaison si compliquée, apparemment insatisfaisante, mais en fait durable tout de même.

Comme dans un prisme, des lignes de force lumineuses traversent le roman : elle est pauvre... il est aisé ; elle est noire... il est blanc ; elle est très jeune... lui un peu moins.
A travers ces interstices, se laissent habilement entrevoir les coulisses d'une Amérique qui n'a rien de celle du «rêve américain» mais nous laisse plutôt la sensation d'un cauchemar.
Cette observation décalée fait l'intérêt du livre. La « ligne de couleur » est particulièrement décrite sous ses différentes facettes : intimes (les scènes concernant les cheveux !), socio-politiques (les entretiens de recrutement !), amoureuses (que représente celui qui est « de l'autre couleur ?) etc.

Reste la question du titre : pendant quelques pages, je me suis interrogée sur le lien unissant le texte que j'avais entre les mains et ce titre, «Affamée»... Bien qu'ayant des appétits sexuels conformes à son âge, la jeune Edie est loin d'enchainer les passages à l'acte, c'est même plutôt l'inverse dans la période qui nous occupe.
Alors, affamée d'amour ? Surement... Affamée de reconnaissance sociale, d'amitié ? Bien entendu ! Affamée tout court ? Oui, car, prosaïquement, son frigo est souvent vide. L'image de couverture est ouverte à tous ces appétits.

Mais j'ai voulu poursuivre mes associations avec le titre original, bien différent, « Luster » : brillant, éclat...
Comme le gloss que revêtent les lèvres de la couverture du livre, sans doute ?
Comme la scintillance qu'Edie s'efforce de donner à sa vie et aux apparences dont elle croit devoir se parer pour briller un tant soit peu en société ?

Oui, c'est cela, le sentiment dénué d'espoir que j'ai tiré de ces mots crus décrivant les moments d'Edie : quel que soit le lustre qu'elle essaie de donner aux situations, il arrivera toujours, pendant ou après l'expérience, un « grain de sable » pour la faire retomber de la brillance vers une réalité dont le glauque et le trivial ne sont pas éloignés. Les montagnes russes du début forment -rétroactivement- une juste allégorie de cette inévitable chute.

Roman noir et nécessaire, à la scintillance du mika, dont l'originalité, la crudité, la peinture des personnages, le constat des injustices, demeurent longtemps à l'esprit.


Merci à Babelio Masse Critique Privilèges et à l'éditeur Cherche Midi pour cet envoi !
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