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Critique de TRIEB


TRIEB
17 février 2013
Le titre de ce roman peut paraître anodin et annoncer un récit très ordinaire. Il n'en est rien. Nous sommes en 1995 à Hanoi. le Vietnam commence très timidement une période d'ouverture. Julien est médecin auprès de l'ambassade de France ; il se trouve à ce titre en contact avec des expatriés, des diplomates, des médecins, des membres d'organisations internationales telles que l'OMS.

Julien fréquente le docteur Dàng, qui dirige un service dans un hôpital de Hanoi. Il est en relation régulière avec Fleur, étudiante vietnamienne qui lui donne des cours pour améliorer sa connaissance de la langue vietnamienne qu'il regrette de ne pouvoir maîtriser complètement. Il rencontre également Clea, médecin britannique membre de l'OMS. Elle est amoureuse de lui, mais Julien, sans être indifférent à sa personne, n'ose aller jusqu'au bout de ses sentiments. Il se censure, se réfrène. D'autres personnages sont attachants : ainsi Wallace et Margaret, son épouse. Wallace est un ancien du Vietnam, il a été prisonnier de guerre et interné à ce titre plusieurs années, est revenu dans ce pays. Il lui est lié viscéralement.

Il rencontre , au cours d'une promenade faite sur l'un des nombreux lacs de Hanoi, une jeune marchande de souvenirs , Lumière d'Automne , Minh Thu , en vietnamien , et s'en éprend, insensiblement , en l'observant se débattre avec les touristes et surtout avec les policiers , toujours à l'affût pour maintenir les bonnes pratiques révolutionnaires , c'est-à-dire la surveillance systématique de la population , et la délation .
Peu avant Noël une épidémie se déclare dans le service du professeur Dàng ; le quotidien de la ville est bouleversé, des gens sont mis en quarantaine. Julien part en expédition dans des régions reculées du Vietnam tandis que Lumière d'Automne est arrêtée en raison de ses activités de vente, tolérées par les autorités mais officiellement toujours illicites. Par amour pour elle, Julien la fait libérer du camp de rééducation, en s'appuyant sur les relations du docteur Dàng avec les dignitaires de l'armée populaire.

La force de ce roman est de ne pas être un hommage a posteriori au colonialisme, à la présence française en Indochine. Il n'y a aucune nostalgie de ce type. On n'y trouvera pas davantage un hommage à la « juste lutte du peuple vietnamien contre l'impérialisme américain, selon le vocable connu de la propagande officielle. Tout au contraire, François Lelord fait se poser les bonnes questions à ses personnages : ainsi, le Docteur Dàng s'interroge sur le sort que son pays aurait pu connaître si la diplomatie internationale avait évoluée autrement. Fleur, cette étudiante au service du régime, est bouleversée par la lecture du Chagrin de la guerre de Bao Ninh, ouvrage qui remet en cause bien des clichés entretenus par le régime sur le pouvoir d'unification de la guerre chez le peuple vietnamien. Il y a aussi toute une série d'observations sur le mode de relation des Vietnamiens, sur l'art de ne pas dire l'essentiel dans les conversations.
Autre constat : l'auteur souligne à maintes reprises dans le roman l'influence qu'a exercée le christianisme sur le Vietnam. Ces rappels ne procèdent pas d'une volonté de réévaluer le bilan de l'histoire, ils sont factuels et nous convainquent de la nécessité de considérer les actions humaines dans leur globalité, sans s'attarder en vain sur leur caractère positif, ou négatif …

Julien a aimé Lumière d'Automne en raison de l'éloignement de cette jeune femme de son propre univers : « Dès leur première rencontre, il avait senti une délicatesse, un souci de ne pas s'imposer, mais sans timidité non plus (…) En voyant la dureté du monde d'où elle venait, ses douces qualités l'émerveillaient. » Un roman qui emporte l'adhésion par la vérité de ses personnages, leurs interrogations, leur fragilité. Tout cela nous les rend proches, humains.
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