AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de PhilippeCastellain


Une biographie choc et à charge, dont l'auteur semble s'être donné pour objectif de dézinguer le mythe de Rommel. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il a de très solides arguments à faire valoir ! Analyse minutieuse des déplacements de Rommel, de ses échanges radios, de ses ordres, des actions de ses subordonnés…

Le portrait qui en ressort est loin du génie stratégique : plutôt celle d'un fonceur brouillon, très bon pour charger tête baissée avec une division blindée, très mauvais pour coordonner les mouvements d'une armée complète. Percer une ligne de défense et aller tout droit, c'est sa spécialité. Un brillant succès pendant la campagne de France, mais pas du tout le rôle du général d'armée qu'il est devenu en Afrique du Nord. Ainsi, en 1941, en pleine offensive sur Tobrouk, alors qu'il est en tête avec une petite troupe, il réalise soudainement qu'il ne sait absolument pas où est le reste de son armée ! S'ensuit une scène surréaliste, où il part en avion à la recherche de ses unités éparpillées à travers le désert…

Deux éléments expliquent l'ampleur de ses succès. En premier lieu, la qualité de ses subordonnés, qui à plusieurs reprises lui sauvent la mise en donnant les ordres cruciaux en son absence. La deuxième, c'est la panique que provoquent de telles offensives. Encerclés, et même en large supériorité numérique, des unités préfèrent plus d'une fois se rendre plutôt que de tenter une percée ou d'attendre des secours. Hitler, encore lucide à cette époque de la guerre, ne s'y trompa pas et lui adjoignit le maréchal Kesselring, en théorie pour diriger les forces aériennes, en pratique pour le surveiller.

Du reste, sa confiance en lui est ébranlée quand il butte sur le camp fortifié de Bir Hakeim, défendu par une poignée de Français coriaces. Encerclés, ils finiront par réussir à lui échapper, non sans lui avoir fait perdre un temps et des ressources précieuses. En résultera la défaite d'El Alamein, après laquelle sa confiance s'effondre, et il estime la situation perdue.

Le livre tord également le cou au mythe du « bon Rommel » qui n'aurait fait que son devoir sans adhérer à l'idéologie nazie. Il en fut très tôt un ardant supporter ; et dans son esprit le fait d'éliminer Hitler ne signifiait absolument pas un changement de régime, mais mettre fin au règne d'un homme devenu incompétent militairement. Du reste, s'il avait connaissance du complot contre Hitler et ne le dénonça pas, il refusa également de s'y engager.

Au passage, une autre image prend du plomb dans l'aile : celle de la nullité et du manque de combativité des soldats italiens. L'auteur souligne que, plus d'une fois les Allemands sont impressionnés par le courage et la valeur de leurs alliés… Et par la qualité désastreuse de leur matériel. Artillerie datant parfois de la première guerre mondiale, chars obsolètes et invraisemblablement mal conçus…

Au final, pourquoi avoir fait de Rommel un mythe ? Pour l'Allemagne, cela permettait d'en faire la tête de proue d'une « Wehrmacht non nazie ». Pour les Anglais, de faire passer l'énormité de leurs défaites en Afrique du Nord.

Un excellent travail d'historien, soigneux, objectif, très précis dans ses analyses et ses sources. A lire si vous souhaitez avoir une meilleure version des mécanismes à l'oeuvre pendant et autours de la seconde guerre mondiale.
Commenter  J’apprécie          444



Ont apprécié cette critique (42)voir plus




{* *}